Reporters sans frontières, soulagée de l'acquittement des deux amis de Serge Maheshe, dénonce un procès bâclé

Reporters sans frontières et son organisation partenaire en République démocratique du Congo, Journaliste en danger (JED), se déclarent soulagées de l'acquittement des deux amis et témoins oculaires du meurtre de Serge Maheshe, de Radio Okapi.

Reporters sans frontières et son organisation partenaire en République démocratique du Congo, Journaliste en danger (JED), se déclarent soulagées de l'acquittement des deux amis et témoins oculaires du meurtre de Serge Maheshe, secrétaire de rédaction de la station onusienne Radio Okapi. Dans un verdict rendu public, le 21 mai 2008, le tribunal militaire de Bukavu (capitale de la province du Sud-Kivu, dans l'est du pays) a, par ailleurs, condamné à mort Freddy Bisimwa Matabaro et Mugisho Rwezangabo alias Mastakila, les deux meurtriers du journaliste. "Si nous nous réjouissons de l'acquittement des deux amis de Serge Maheshe, nous regrettons les constantes violations du droit qui ont eu lieu lors de ce procès. Aucune expertise balistique ni aucune autopsie n'a été pratiquée sur la dépouille du journaliste. Les avocats de la défense et observateurs indépendants ont reçu des menaces de mort anonymes. Certaines pistes ont volontairement été écartées. Ce verdict est l'aboutissement d'un procès bâclé, reposant sur des enquêtes superficielles", a déclaré l'organisation. Suivant les réquisitions du ministère public, le président de la cour a estimé qu'il n'y avait aucune preuve de l'implication de Serge Muhima et Alain Mulimbi Shamavu dans le meurtre de leur ami Serge Maheshe, tué sous leurs yeux le 13 juin 2007 à Bukavu. En revanche, le tribunal a confirmé la peine capitale prononcée en première instance à l'encontre de Freddy Bisimwa Matabaro et Mugisho Mastakila, condamnés pour "meurtre" dans le but de "faciliter un vol", en abandonnant les charges d'"assassinat" qui avaient été initialement retenues contre eux. La cour a aussi condamné à mort un troisième civil, dont il n'avait jamais été question jusque-là, Patient Bisimwa, pour "association de malfaiteurs". Cet homme a été présenté comme un complice des deux tueurs, bien que le ministère public n'ait rien requis contre lui. Quant à l'Etat congolais, également poursuivi, il a été dégagé de toute responsabilité. Rappel des faits Le 13 juin 2007, aux environs de 21 heures, Serge Maheshe, journaliste et secrétaire de rédaction de l'antenne locale de Radio Okapi, a été tué par deux hommes en vêtements civils, armés de fusils-mitrailleurs kalachnikovs, alors qu'il sortait du domicile d'un ami, dans un quartier résidentiel de Bukavu. Au moment où, en compagnie de deux amis, il s'apprêtait à monter à bord de son véhicule, marqué du signe "UN" (Nations unies) dont disposent les journalistes de la radio pour se déplacer, les inconnus, qui l'attendaient, leur ont intimé l'ordre de se coucher à terre. L'un d'eux a alors tiré deux balles dans les jambes du journaliste, puis trois dans sa poitrine. Serge Maheshe, 31 ans, travaillait pour Radio Okapi depuis 2002 et était devenu l'une des figures de la presse dans la région. En première instance, le tribunal militaire de Bukavu avait condamné, le 28 août 2007, Freddy Bisimwa Matabaro et Mugisho Rwezangabo Mastakila, deux hommes préalablement connus pour de petits délits, à la peine capitale pour "assassinat". A la stupéfaction générale, Serge Muhima et Alain Mulimbi Shamavu, deux témoins oculaires du crime et amis proches du journaliste, avaient été condamnés à la même peine pour "association de malfaiteurs". Le jugement avait été rendu en se fondant sur les seuls "aveux" des deux premiers, expliquant être les auteurs matériels de l'assassinat et qui avaient accusé les amis du journaliste d'être les commanditaires du crime, sans avoir pu fournir ni mobile ni élément matériel. En rendant son verdict, le tribunal avait reconnu lui-même la persistance de "zones d'ombre" dans le dossier. Dans une lettre datée du 8 septembre 2007, dont Reporters sans frontières détient une copie, Freddy Bisimwa Matabaro et Mugisho Rwezangabo Mastakila ont accusé deux magistrats militaires de les avoir soudoyés pour accuser les deux amis de la victime. Ils ont affirmé que ceux-ci leur ont fourni des éléments prétendument compromettants, de manière à étayer leur scénario, et leur ont fait la promesse de leur assurer une rente financière et des titres de voyage pour l'Afrique du Sud. Reporters sans frontières avait dénoncé des menaces de mort anonymes proférées à l'encontre de quatre observateurs indépendants du procès les 17 et 19 avril 2008.
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Updated on 20.01.2016