Reporters sans frontières et Salih Mahmoud Osman, lauréats du Prix Sakharov, demandent le réexamen du projet de loi sur la presse

Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de la presse, et l'avocat et député soudanais Salih Mahmoud Osman, lauréats 2005 et 2007 du "Prix Sakharov pour la liberté de l'esprit", expriment leur préoccupation face au projet de loi encadrant la presse écrite actuellement en discussion au Parlement. "Nous ne pouvons pas accepter un tel projet de loi. Il n'est pas conforme avec la Constitution provisoire et ne permettrait pas la tenue d'élections libres en 2010", a déclaré Salih Mahmoud Osman. "La situation de la liberté de la presse au Soudan est déjà inquiétante et l'adoption en l'état de ce projet de loi constituerait un recul extrêmement grave. Les professionnels des médias doivent pouvoir exercer leur métier librement, à l'abri de trop lourdes amendes et protégés par un cadre législatif juste. Nous apportons notre ferme soutien à la communauté des journalistes soudanais et demandons aux membres du Parlement d'amender ce projet de loi", a ajouté Reporters sans frontières. Le projet de loi prévoit de lourdes amendes, allant jusqu'à 50 000 livres soudanaises (21 500 US dollars), contre les publications et les journalistes "en infraction", sans détailler ces infractions. Il accorde également au Conseil de presse (National Press and Publication Council – NPPC), dont l'indépendance n'est pas garantie, le pouvoir de fermer les journaux. Le 19 mai, une cinquantaine de journalistes soudanais se sont rassemblés devant le Parlement à Khartoum pour protester contre le projet de loi. Ces derniers ont manifesté dans le calme pendant deux heures, en brandissant des pancartes proclamant notamment "Une presse libre ou pas de presse". De son côté, le Réseau des journalistes soudanais a estimé que le projet de loi "limite la liberté d'expression et va à l'encontre de la Constitution provisoire en ne donnant pas au journaliste la liberté d'obtenir l'information." Il contredit par exemple l'article 39 de la charte des droits fondamentaux qui prévoit que chaque citoyen jouit du droit à la liberté d'expression, à la diffusion de l'information, et à l'accès à la presse. Au Parlement, plusieurs députés, dont Salih Mahmoud Osman, se battent pour l'adoption d'un projet de loi plus favorable à la liberté de la presse. Cette dernière a sérieusement reculé au Soudan. Depuis le début de l'année 2009, deux journalistes étrangers, le Tunisien Zouhir Latif, et la Canado-Egyptienne Heba Aly, ont été expulsés du pays par les autorités. Les publications sont quant à elles soumises à une censure préalable implacable. Depuis un an et demi et l'accord de paix Nord-Sud (CPA), les autorités ont affecté un agent de sécurité auprès de chaque journal. Celui-ci en surveille le contenu et décide si sa publication est autorisée. Le 28 novembre 2008, dans une tribune publiée dans la presse locale soudanaise, intitulée "Levez la censure pour le bien du pays !", Reporters sans frontières avait appelé les autorités à cesser cette pratique. "La censure est inutile, puisqu’elle est impuissante face à la réalité", avait déclaré l'organisation. En avril 2007, au terme d’une mission d’enquête menée sur le terrain, Reporters sans frontières avait publié un rapport intitulé "Darfour : enquête sur les acteurs oubliés d’une crise", dénonçant le "blacklisting" pratiqué par les autorités soudanaises à l’égard de médias ou de journalistes à titre individuel, et décrivant en détail les nombreuses obstructions administratives mises en place par le gouvernement pour s’assurer une mainmise permanente sur la presse étrangère.
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Updated on 20.01.2016