Reporters sans frontières dénonce le renforcement de la censure au nom de l'état de l'urgence

Le gouvernement thaïlandais a censuré des dizaines de sites Internet et une chaîne de télévision en vertu de l'article 9 de la déclaration de l'état d'urgence du 7 avril, qui interdit la "distribution d'informations qui peuvent troubler l'ordre public". La plupart des médias visés sont liés au mouvement des "chemises rouges", mais certains, notamment le site d'information Prachatai, sont indépendants. "Nous condamnons fermement tout appel à la violence par média interposé, quelle qu'en soit l'origine. Il est déplorable que les autorités utilisent l'état d'urgence pour censurer des sources d'informations neutres ou d'opposition. Nous appelons le Premier ministre Abhisit Vejjajiva à ordonner le rétablissement, dans les meilleurs délais, des sites d'informations censurés et à ne recourir à la fermeture de médias uniquement quand des appels à la violence sont avérés et en respectant les procédures juridiques normales", a affirmé Reporters sans frontières. "Pourquoi les Thaïlandais ne seraient-ils pas autorisés à entendre l'opposition ? Ces interdictions ne vont-elles pas radicaliser le mouvement des "chemises rouges" ? C'est un pari trop risqué", s'est inquiétée l'organisation. "Nous appelons les responsables de médias liés à ce mouvement à refuser officiellement tout appel à la violence. Si c'est le cas, le gouvernement devra renoncer à les censurer", a ajouté l'organisation. Le 7 avril 2010, au moins 36 sites Internet ont été bloqués par le gouvernement en vertu de l'état d'urgence dont Prachatai (www.prachatai.com), Sameskybooks (www.sameskybooks.org), Norporchorusa (www.norporchorusa.com) et Weareallhuman (www.weareallhuman.net). Selon des responsables du serveur INET, l'ordre est venu du ministère des Technologies de l'Information et de la Communication (MICT). La liste des sites censurés a été validée par Suthep Theuksuban, vice-Premier ministre en charge de la Défense et nouveau responsable du Centre d'administration publique de l'état d'urgence. Lorsqu'on essaie d'accéder à l'un des sites depuis la Thaïlande, le message "This website has been blocked by ICT & TOT" est affiché. Prachatai est un site d'information indépendant. Sameskybooks est lié au magazine politique Fah Diew Kan, version thaïe du Monde diplomatique, et critique régulièrement la loi controversée de lèse-majesté. Quant à lui, le site Norporchorusa est directement lié au mouvement des "chemises rouges". Son webmaster a été arrêté la semaine dernière. Par ailleurs, un membre du gouvernement, Satit Wongnongtaey, a confirmé le 8 avril le blocage de la chaîne satellitaire PTV (People Channel), liée aux "chemises rouges", en vertu de l'état d'urgence. Des militaires sont intervenus dans les locaux de Thaicom à Bangkok, pour s'assurer de la coupure effective de la chaîne. Depuis plusieurs semaines, des appels à manifester contre le gouvernement ont été diffusés par People Channel. "Il était difficile pour le gouvernement de couper le signal de PTV car la chaîne utilise différents moyens de diffusion, notamment deux satellites. Nous avons travaillé toute la nuit", a précisé le ministre. Satit Wongnongtaey a rappelé à la même occasion qu'en vertu de l'état d'urgence, les fournisseurs d'Internet et les médias "risquent d'être punis s'ils relaient les médias censurés". En représailles à la censure de People Channel, des "chemises rouges" ont menacé le 8 avril de manifester devant les locaux de la chaîne ASTV, liée aux "chemises jaunes", pour obtenir sa fermeture. Enfin, de nouveaux actes de violence ont été commis contre des journalistes : le 2 avril, le véhicule d'un employé du quotidien Matichon a été brûlé par une bombe incendiaire lancée par deux inconnus. L'état d'urgence a été déclaré à Bangkok et dans cinq provinces voisines pour une durée indéfinie.
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Updated on 20.01.2016