Rapport d'une mission d'enquête internationale : "Une lutte pour la survie"

En octobre 2006, une délégation regroupant des membres d'organisations internationales de défense de la liberté de la presse s'est rendue au Sri Lanka. Cette mission avait pour but de rendre compte de la réalité des médias locaux dans un contexte conflictuel entre le gouvernement sri lankais et le mouvement des Tigres de libération de l'Eelam (LTTE). La mission a examiné la situation des médias en anglais, cinghalais et tamoul, mais elle a accordé une importance plus particulière à la répression des médias en tamoul, victimes d'attaques répétées, notamment dans les zones affectées par les combats. Ces affrontements entraînent des restrictions importantes dans la circulation de l'information dans le Nord et l'Est entravant ainsi l'accès à l'information dans tout le pays. Cette absence d'information rend les communautés davantage vulnérables à des rumeurs qui, à terme, ne font que nourrir l'instabilité. Dans les zones contrôlées par le LTTE, les journalistes ne jouissent quasiment plus d'aucune liberté. La sécurité : La mission internationale a observé une réelle détérioration des conditions de sécurité pour les médias sri lankais avec une intensification des menaces, enlèvements et agressions perpétrés par toutes les parties engagées dans le conflit, mais surtout par des militaires et des paramilitaires. Depuis août 2005, neuf professionnels des médias ont été tués, des dizaines menacés de mort, agressés, d'autres ont été victimes de violence afin de les empêcher de distribuer leurs journaux. De plus, alors que parfois l'identité des meurtriers est connue, les autorités locales n'agissent pas. Par conséquent, beaucoup de professionnels doivent se cacher, parfois durant de longues périodes (six mois). Les familles des victimes n'échappent pas non plus à ces menaces. La censure informelle : La censure existe, mais de manière indirecte. Ceux qui remettent en cause la politique du gouvernement sont accusés d'être des traîtres ou des espions. Dans un contexte où les autorités dénigrent les médias, s'exprimer librement devient une activité dangereuse, parfois même mortelle. En août, le président a ainsi annoncé à des journalistes que les militaires allaient tout faire pour censurer les médias. Une lettre datant du 20 septembre 2006, écrite par le ministre de la Défense à l'attention de plusieurs professionnels des médias leur informant que "toute information récoltée, devait être sujette à des clarifications et confirmations", a été interprétée comme une tentative de censure. Que cela en ait été le but ou non. A cela s'ajoute que l'accès aux informations officielles est conditionnée aux affiliations politiques de chaque média. Les chaînes de télévision internationales sont inaccessibles depuis que le gouvernement a décidé d'empêcher toute retransmission d'émissions par satellite. La censure de certains films et programmes ainsi que l'intervention dans les processus de validation par le gouvernement, mettent sérieusement en danger la liberté d'expression. Des lois liberticides : Les réglementations d'urgence mises en place le 18 août 2005 ont donné au gouvernement des quasi pleins pouvoirs quant à la censure des médias. Par ailleurs, la loi sur les Secrets Officiels (OSA) punit toute révélation de "secrets officiels" qui ne sont pas précisément définis. Il est alors très difficile d'écrire quoique ce soit concernant les autorités. A cela s'ajoute, la loi sur le Conseil de la presse (PCL) datant de 1973, interdisant la diffusion de certaines décisions prises par le gouvernement, de certains documents officiels, et de certaines informations en matière de défense, sécurité et fiscalité. En juin 2006, le gouvernement a décidé de restaurer la régulation étatique des médias en réaffirmant l'autorité du Conseil de la presse sri lankais en la matière. Dans les faits, il n'a toujours pas été mis en oeuvre. Le 6 décembre, le gouvernement a introduit des réglementations d'urgences (la loi sur la prévention du terrorisme et des activités terroristes), qui ont été fortement critiquées par la société civile pour leur impact néfaste sur la liberté d'expression. En revanche, le gouvernement n'a toujours pas adopté de loi pour garantir le droit à l'accès à l'information bien qu'il avait accepté une première version d'un texte en 2003. Par ailleurs, la législation sur la télédiffusion ne garantit pas l'indépendance des chaînes privées et publiques. Bien que de nombreuses campagnes aient demandé que le gouvernement ne soit plus propriétaire de titres de la presse écrite, le gouvernement contrôle toujours le groupe de presse Journaux Associés de Ceylon (ANCL ou "Lake House").
Publié le
Updated on 20.01.2016

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