Procès à huis clos dans l’assassinat de Naji Jerf : un membre de l’EI condamné à la prison à perpétuité

Reporters sans frontières (RSF) a appris la condamnation le 9 juin dernier d’un membre du groupe Etat islamique pour l’assassinat du journaliste syrien Naji Jerf, tué en décembre 2015 à Gaziantep.

Le 9 juin dernier, Youssef Hamed Al-Chefreihi a été condamné à deux reprises à la prison à vie par un tribunal à Gaziantep (sud-est de la Turquie), pour “avoir tenté de renverser l’ordre constitutionnel” en rejoignant le groupe Etat islamique, mais également pour le meurtre du journaliste syrien Naji Al-Jerf. Trois autres suspects dans l’affaire du meurtre du journaliste et opposant syrien ont été libérés faute de preuves.


Le procès s’était ouvert le 5 octobre 2016 à huis clos. La famille du journaliste, réfugiée en France, n’était pas représentée par un avocat, ni par un proche ou une organisation syrienne habilitée à suivre le procès pour eux. La famille n’avait donc pas accès au dossier et a dû suivre les développements de l’affaire dans les médias turcs.


Bien que le verdict dans cette affaire constitue un premier pas pour rendre justice au journaliste assassiné, RSF condamne le fait que la famille n'ait pas été impliquée dans le déroulé du procès, déclare Alexandra El Khazen, responsable du bureau Moyen-Orient. Le huis clos n’a pas permis de répondre à un certain nombre de questions comme le mobile et les circonstances du crime, le profil du condamné ainsi que l’implication éventuelle d’autres individus”.


Naji Al-Jerf, rédacteur en chef du magazine mensuel Hentah et documentariste, avait été abattu en plein jour dans les rues de Gaziantep le 27 décembre 2015, la veille de son départ avec sa famille pour la France en raison de menaces qu’il avait reçues en Turquie. Originaire de la ville de Salamyeh dans la province de Hama, il avait été contraint de quitter la Syrie fin 2012 après la mise à sac de son bureau pour poursuivre ses activités professionnelles depuis Gaziantep.


Même en Turquie, les menaces à son encontre s’étaient aggravées en 2015 du fait de ses enquêtes sur les exactions du groupe Etat islamique (EI). Son film “L’EI à Alep”, qui documentait l’exécution de nombreux activistes syriens par l’organisation djihadiste, avait été diffusé en novembre 2015. Naji Jerf s’était par ailleurs rapproché du collectif de journalistes “Raqqa est massacrée en silence”, dont les membres sont traqués par l’EI et déclarés “ennemis de Dieu”.


D’autres crimes commis à l’encontre de journalistes syriens en Turquie ont été recensés par l’organisation. Le groupe Etat islamique a revendiqué l’assassinat de l’animateur télé Zaher al-Sherqat en avril 2016 à Gaziantep, celui du journaliste-citoyen Ibrahim Abdelqader le 30 octobre 2015 à Sanliurfa, dans le sud-est de la Turquie. Le frère de ce dernier, Ahmed Abdelqader a lui échappé à plusieurs tentatives d’assassinat à Sanliurfa, la dernière en juin 2016, et s’est réfugié en France quatre mois plus tard où il poursuit actuellement son travail pour le site d’information Ain ala al Watan.


La Turquie occupe la 155e place sur 180 au Classement 2017 de la liberté de la presse, établi par RSF.

Publié le
Updated on 13.06.2017