Pour un reportage non autorisé, deux journalistes britanniques risquent cinq ans de prison

Reporters sans frontières (RSF) dénonce la tenue du procès des deux journalistes britanniques Rebecca Prosser et Neil Bonner, arrêtés le 28 mai 2015 par la marine indonésienne alors qu’ils réalisaient un documentaire sans avoir de visa professionnel. L’organisation appelle les autorités locales à cesser d’abuser de la loi répressive sur l’immigration, et d’abandonner les poursuites à l’encontre des reporters.

Après 125 jours de détention sur l’île de Batam, dans l’ouest de l’archipel indonésien, les deux journalistes britanniques Rebecca Prosser et Neil Bonner ont comparu lundi 28 septembre 2015 devant le tribunal du district de Batam, accusés d’avoir “enfreint la législation sur l’immigration”. Une prochaine audience a été fixée au 1er octobre 2015. Les reporters risquent jusqu’à cinq ans de prison. Habituellement, les journalistes étrangers se trouvant dans une situation similaire sont simplement expulsés du territoire indonésien. “Il est inacceptable que des journalistes soient privés de leurs libertés et de leur familles pendant plus de quatre mois pour une simple irrégularité administrative, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. Le procès qui s’est ouvert hier n’aurait jamais dû avoir lieu. La seule chose sensée que le juge en charge de l’affaire puisse faire est de prononcer la relaxe des deux journalistes et de leurs collaborateurs dans les plus brefs délais. En effectuant leur travail d’investigation sur le haut lieu de la piraterie maritime en Asie du sud-est, ces reporters sont au coeur même de leur mission d’information”. Les deux reporters, âgés tous les deux d’une trentaine d’années, sont employés par la société de production britannique Wall to wall. Ils se sont rendus en Indonésie en mai dernier pour tourner un film sur la piraterie dans le détroit de Malacca, près de Singapour, avec des fonds de la société National Geographic. Ils ont été arrêtés par la marine indonésienne sur l’île de Belakang Padang, alors qu’ils tournaient la reconstitution d’une attaque de navire pétrolier par un groupe de pirates. Le contre-amiral de la marine Taufiqurrahman avait alors déclaré que le documentaire pourrait “ternir l’image du détroit de Malacca”, présenté comme une “zone de forte criminalité”. Neuf Indonésiens, dont le fixeur des journalistes Ahmadi, risquent également une peine d’emprisonnement de deux ans ou une amende de 10 milliards de roupies (plus de 600 000 euros) pour avoir collaboré au documentaire, tourné sans licence. En 2014, les journalistes français Valentine Bourrat et Thomas Dandois avaient également fait les frais de la politiques d’immigration restrictive des autorités indonésiennes et de leur sensibilité sur la Papouasie occidentale, pour avoir réalisé un reportage sur des séparatistes dans la région pour la chaîne franco-allemande Arte, avec un visa de tourisme. Détenus durant plus de deux mois et demi - du 6 août au 24 octobre 2014 -, par les services d’immigration, ils avaient par la suite été condamnés pour “usage abusif de visa à une peine couvrant leur période de détention. Malgré l’issue heureuse de cette affaire, la condamnation des deux reporters avait établi un précédent permettant aux autorités de justifier davantage leur surveillance ou l’arrestation de journalistes étrangers sur le territoire indonésien. L’Indonésie occupe la 138e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2015 établi par Reporters sans frontières, après une chute de six places en 2014.
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Updated on 20.01.2016