Mise en examen confirmée en appel de deux journalistes pour “recel de violation du secret de l'instruction” : une “aberration” selon Reporters sans frontières

La chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Versailles a confirmé, le 26 mai 2006, la mise en examen de deux journalistes du quotidien L'Equipe pour ‘recel de violation du secret de l'instruction'. Reporters sans frontières regrette une décision lourde de menaces pour le secret des sources.

La chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Versailles a confirmé, le 26 mai 2006, la mise en examen de Dominique Issartel et de Damien Ressiot, du quotidien L'Equipe, pour “recel de violation du secret de l'instruction”. Reporters sans frontières regrette cette décision qui va à l'encontre de la promesse du Garde des Sceaux, Pascal Clément, d'introduire dans la loi sur la presse de 1881 le droit à la protection des sources. “Cette décision confirme une fâcheuse tendance de l'autorité judiciaire à utiliser abusivement la notion de ‘recel de violation de secret de l'instruction' pour empêcher des journalistes de révéler des affaires sensibles. Par définition, les journalistes ne sont pas tenus au secret, fût-il celui de l'instruction, et il est un peu trop facile d'en faire des boucs émissaires en cas de ‘fuites'. La décision de la Cour d'appel de Versailles est une aberration qui n'augure rien de bon pour la liberté de la presse en France. Le ministre de la Justice, Pascal Clément, avait pourtant promis l'introduction du droit à la protection des sources dans la loi sur la presse de 1881”, a déclaré Reporters sans frontières. Dominique Issartel et Damien Ressiot avaient enquêté sur un trafic de produits dopants au sein de l'équipe cycliste Cofidis, qui avait donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire par le parquet de Nanterre début 2004. Le 22 janvier 2004, l'hebdomadaire Le Point avait publié l'intégralité des retranscriptions d'écoutes téléphoniques visant des soigneurs et des coureurs cités dans le dossier. L'Equipe avait publié, dans son édition du 9 avril 2004, de larges extraits de procès-verbaux d'auditions de coureurs de l'équipe Cofidis, pour certains mis en examen. Les 12 et 13 octobre 2005, Dominique Issartel, Damien Ressiot et trois de leurs collègues du Point avaient été mis en examen par un juge d'instruction du tribunal de Nanterre, Katherine Cornier, pour “recel de violation du secret de l'instruction”. Ces mises en examen avaient fait suite à des perquisitions au siège des deux publications et au domicile des journalistes, le 13 janvier 2005, au cours desquelles des disques durs et des agendas avaient été saisis. Les avocats des deux journalistes de L'Equipe avaient demandé l'annulation de ces mises en examen, au nom de leur “non-conformité à la Convention européenne des droits de l'homme”, dont l'article 10 garantit effectivement le secret des sources. La France, dont l'article 109 du Code pénal reconnaît ce même droit, a été condamnée en janvier 1999 par la Cour européenne des droits de l'homme pour avoir utilisé le “recel du secret de l'instruction” contre des journalistes. ___________________________________________________________ 13.10.05 - Reporters sans frontières préoccupée par la mise en examen de cinq journalistes dans l'affaire Cofidis
Reporters sans frontières s'est dite préoccupée et scandalisée par la mise en examen, les 12 et 13 octobre 2005, par Katherine Cornier, juge d'instruction du tribunal de Nanterre, de trois journalistes de l'hebdomadaire Le Point, Christophe Labbé, Olivia Recasens et Jean-Michel Décujis, ainsi que de deux journalistes du quotidien L'Equipe, Damien Ressiot et Dominique Issartel. Les cinq journalistes sont accusés de « recel de violation du secret de l'instruction » dans l'affaire de l'équipe cycliste Cofidis. « Le droit à la protection du secret des sources, garanti par l'article 109 du code pénal et par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, est une nouvelle fois bafoué. Il est scandaleux que des journalistes qui n'ont fait qu'exercer leur métier soient mis en examen. La tendance de la justice à faire pression sur les journalistes pour qu'ils révèlent leurs sources est lourde en ce moment en France, et en Europe d'une manière générale. Nous rappelons que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait déjà condamné la France, en janvier 1999, pour avoir utilisé le 'recel de violation du secret de l'instruction' afin de poursuivre et faire condamner des journalistes. Il est urgent de modifier la loi française et de supprimer la notion de recel de violation du secret de l'instruction qui est une aberration et qui porte préjudice aux journalistes d'investigation », a déclaré Reporters sans frontières. « Nous rappelons que les journalistes mis en examen sont de bons journalistes qui ont bien fait leur travail. Heureusement pour la profession, les sources des journalistes n'ont pas été identifiées, malgré une débauche de moyens technologiques », a affirmé François Malye, responsable de la société des rédacteurs du Point. Début 2004, le parquet de Nanterre avait ouvert une information judiciaire pour violation du secret de l'instruction, à la suite de la publication dans Le Point du 22 janvier 2004 de l'intégralité des transcriptions d'écoutes téléphoniques ordonnées par le juge Richard Pallain dans l'affaire de dopage visant les soigneurs et les coureurs cyclistes de l'équipe Cofidis. L'Equipe avait, pour sa part, publié, le 9 avril 2004, de larges extraits des procès-verbaux d'audition de plusieurs coureurs de Cofidis, pour certains mis en examen dans le dossier. Deux perquisitions presque simultanées avaient eu lieu, le 13 janvier dernier, aux sièges de l'hebdomadaire Le Point et de L'Equipe, ainsi qu'aux domiciles de deux journalistes du quotidien, entraînant des saisies de disques durs et d'agendas. Selon une source proche des rédactions, les journalistes avaient ensuite été placés sur écoutes par l'inspection générale des services, chargée de l'enquête.
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Updated on 20.01.2016