Malaisie : RSF dénonce une procédure-bâillon lancée contre la journaliste Lalitha Kunaratnam

A la suite d’une enquête qui révèle des pratiques mettant en cause la commission malaisienne contre la corruption, une journaliste d’investigation est visée par une plainte en diffamation déposée par la direction de cet organisme. Reporters sans frontières (RSF) demande l’abandon immédiat de ces poursuites injustifiées.

Quand une agence anti-corruption veut étouffer une enquête qui révèle la corruption qui, justement, règne en son sein… C’est le scénario ubuesque dans lequel se retrouve impliquée la journaliste d’investigation Lalitha Kunaratnam, actuellement visée par une plainte civile pour diffamation déposée le 12 janvier dernier par le premier commissaire de l’agence malaisienne anti-corruption (Malaysian Anti-Corruption Commission, MACC), Tan Sri Azam Baki, devant la Haute Cour de Kuala Lumpur, la capitale du pays.

   

A ce titre, le fonctionnaire réclame à la journaliste malaisienne pas moins de 10 millions de ringgits - soit 2,1 millions d’euros - de dommages-intérêts. En cause : une enquête en deux volets publiée le 26 octobre 2021 sur le portail malaisien Independent News Service, dans laquelle Lalitha Kunaratnam dévoile l’existence de conflits d’intérêts au sein de la MACC, notamment du fait de l’acquisition d'entreprises côtées en bourse par son chef, Azam Baki, au-delà de la valeur autorisée pour un fonctionnaire.

   

Une semaine avant le dépôt de plainte la visant, Lalitha Kunaratnam a reçu une lettre de mise en demeure du commissaire en chef de le MACC lui enjoignant de retirer immédiatement les articles en question sous peine de représailles judiciaires. 

   

“La plainte déposée contre Lalitha Kunaratnam relève clairement d’une poursuite-bâillon, dont le seul but est de faire taire tout débat public en faisant peser sur la journaliste des risques démesurés en termes de procédure et de frais de justice, déplore le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Nous appelons Azam Baki à retirer immédiatement sa plainte, qui va de toute évidence à l’encontre du mandat de la MACC, censée justement enquêter sur les affaires de corruption. Il en va de la crédibilité de l’Etat de droit en Malaisie.”

   

Depuis l’arrivée au pouvoir de Muhyiddin Yassin, en mars 2020, le climat dans lequel travaillent les journalistes malaisiens tel que mesuré par RSF dans le cadre du Classement mondial de la liberté de la presse s’est nettement dégradé, favorisant un retour à l’autocensure des professionnels des médias. Selon les témoignages de plusieurs professionnels des médias recueillis par RSF, son remplacement à la tête du gouvernement, en août 2021, par Ismail Sabri Yaakob, n'a pour l'heure pas eu d'effet significatif sur l'environnement dans lequel les journalistes exercent leur métier.

    

En chute de 18 places par rapport à 2020 dans ce même Classement, la Malaisie y occupe actuellement la 119e place sur 180 pays.

Publié le
Mise à jour le 24.01.2022