Lettre ouverte de RSF aux chefs d’Etats de six pays européens et aux Etats-Unis : le régime iranien menace les journalistes et le droit à l’information

Reporters sans frontières (RSF), organisation internationale de défense de la liberté de la presse, souhaite exprimer son inquiétude et attirer votre attention sur la situation des journalistes iraniens ou ayant une double nationalité travaillant pour des médias internationaux et basés hors d’Iran, notamment en Europe.

RSF demande à six pays européens -France, Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas, République Tchèque, Suède- ainsi qu’aux Etats-Unis, où existent des rédactions et services officiels en langue persane, ou des médias indépendants iraniens, d’intervenir directement auprès du régime iranien pour défendre le droit fondamental à l’information. Il est de leur responsabilité de garantir la protection des journalistes iraniens sur leur territoire, conformément à leurs obligations internationales. 



Alors que les médias iraniens, sous contrôle strict du régime, ont passé sous silence d’importants événements nationaux, notamment le mouvement de protestation qui a touché plusieurs villes à travers le pays, les menaces contre des journalistes de la section persane de la BBC , de Voice of America (VOA,), de Radio Farda (Radio Free Europe),de DW (Deutsche Welle), de RFI (Radio France Internationale), de Radio Zamaneh, ou encore des médias privés  Iran international et Manoto TV, des journaux en ligne Kayhan Londres et Iranwire, se sont intensifiées depuis le début des protestations massives contre le régime en novembre 2019, puis en réaction à la couverture médiatique internationale des événements.


La République islamique d'Iran veut réduire au silence les dernières et seules sources d’informations indépendantes utilisées par de nombreux Iraniens. Dans un communiqué daté du 30 novembre 2019, le ministère des Renseignements s’en prend ouvertement à un média étranger en annonçant “la confiscation des biens des journalistes et collaborateurs de la chaîne privée Iran International”, qu’il considère comme “des ennemis de la République islamique”  et “des terroristes”. Les menaces peuvent prendre la forme de cyberattaques, d’insultes et intimidations sur les réseaux sociaux.



Plusieurs collaborateurs de ces médias basés à Londres ont même été menacés “d’enlèvement dans la rue et de renvoi forcé vers l’Iran”.

Les autorités font aussi pression sur ces journalistes en harcelant des membres de leurs familles restées au pays, notamment à travers des convocations par les services des renseignements. Ensuite, ces-derniers se chargent de le faire savoir aux journalistes, par e-mail ou via les réseaux sociaux.


Le 26 septembre 2019, Alireza Alinejad, frère de la journaliste et militante des droits des femmes Masih Alinejad, a été arrêté par des agents en civil du renseignement des gardiens de la révolution. Selon la journaliste, qui a publié une vidéo de son frère tournée avant son arrestation, “ils l’ont pris en otage pour me faire taire.” Alireza Alinejad y dénonce la pression exercée sur lui et ses parents pour qu’ils condamnent publiquement les activités de Masih. 


Un journaliste basé en France, qui souhaite rester anonyme, affirme que depuis deux mois, il est beaucoup plus harcelé qu’auparavant, et reçoit des menaces de mort sur son compte Instagram : “Pendant qu’on t’égorgera, on prendra une story et on la mettra sur ta page”, “quand on t’aura tué de manière atroce, les autres comprendront et ils se tairont pour toujours !”.


De son côté, la journaliste de la BBC, Farnaz Ghazizadeh n’a pas hésité à dénoncer ces agissements sur son compte twitter : “Mon père de 73 ans a été convoqué et interrogé par les autorités au sujet des activités journalistiques de ma soeur et de moi-même, qui travaillons pour un média basé hors d’Iran. Notre famille est harcelée uniquement parce que nous sommes journalistes”.


De même, Mojtaba Pourmohsen, journaliste pour  Iran International,  basé à Londres a déclaré au Times que son père de 75 ans et sa jeune sœur ont été convoqués par les services des renseignements du ministère. Un agent leur a déclaré  : “il faut lui dire de démissionner dès cette semaine et de rentrer à Téhéran, si non on ira le chercher à Londres et on le ramènera en Iran”.


RSF a recensé près de 200 journalistes résidant hors d’Iran ( principalement en Europe et aux Etats-Unis) ayant reçu des messages de harcèlement, dont une cinquantaine des menaces de mort.


RSF vous demande expressément de condamner ces agissements dangereux pour la liberté de la presse, de défendre le droit fondamental à l’information, et d’assurer la protection physique des journalistes menacés. En outre, RSF appelle tous les journalistes ayant reçu des menaces à porter plainte auprès de la justice de leur pays d’accueil, et demande à leurs employeurs -malgré les pressions qu’ils peuvent subir- d’appuyer et de faciliter ces démarches. 


L’Iran se situe à la 170e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2019 de RSF 

Publié le
Updated on 22.01.2020