L’État maltais doit “reconnaître sa responsabilité” dans l’assassinat de Daphne Caruana Galizia indique l'enquête publique indépendante

L'État maltais doit "assumer la responsabilité" de l'assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia en octobre 2017 révèle le rapport sur l'enquête publique indépendante. En ne prenant pas la mesure des risques qui menaçaient la vie de la journaliste et en n’agissant pas pour les éviter, l’État maltais a créé un “climat d’impunité”.

Le rapport détaillé totalise 437 pages, en maltais. Il a été rédigé  par trois membres de la commission d'enquête : un juge et deux magistrats à la retraite. Cette commission est arrivée à la conclusion que l’État maltais n’a pas mesuré les risques réels et immédiats qui pesaient sur la vie de Daphne Caruana Galizia et n’a pas pris les mesures nécessaires pour les éviter – en d’autres termes  pour éviter son assassinat.


“Bien qu’il n’existe pas de preuve que l’Etat a joué un rôle dans l’assassinat de Daphne Caruana Galizia, celui-ci pour des raisons amplement démontrées dans ce rapport doit assumer sa responsabilité dans cet acte parce qu’il a -- au plus haut sommet de l'administration et de l’État -- créé un climat d’impunité” expliquent les rapporteurs.


« Nous saluons la publication d’un rapport fourni qui reflète l’indépendance de la commission d’enquête, déclare la directrice des campagnes internationales de Reporters sans frontières (RSF), Rebecca Vincent. Nous allons poursuivre l’analyse de ce documents et nous mettrons tout en œuvre pour demander à l’Etat maltais de prendre ses responsabilités face à ces graves manquements, tout en nous assurant que des mesures concrètes soient prises pour protéger efficacement les journalistes travaillant encore à Malte. »


Pendant près de deux ans, RSF a engagé une active campagne de plaidoyer aux côtés de la famille de Daphne Caruana Galizia et de ses avocats, ainsi que d’un groupe d’ONG internationales afin qu’une enquête publique soit menée. Le cabinet de l’ancien Premier ministre maltais Joseph Muscat s’est fermement opposé à cette mesure jusqu’à l’échéance du délai de trois mois fixé par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dans une résolution clé intitulée : « L’assassinat de Daphne Caruana Galizia et l’Etat de droit à Malte et ailleurs : veiller à ce que toute la lumière soit faite. »


La rédactrice en chef de RSF Pauline Adès-Mével a également témoigné dans l’enquête publique le 24 juillet 2020, et apporté des éléments sur le climat inquiétant de la liberté de la presse à Malte pendant la période qui a précédé l'assassinat de la journaliste. Elle a exprimé le point de vue de RSF selon lequel il était évident que Daphne Caruana Galizia courrait des risques et que son assassinat aurait pu être évité. RSF a également apporté, avec huit autres ONG, une contribution collective à l’enquête publique.


Ainsi que l’a déclaré la directrice des campagnes internationales de RSF Rebecca Vincent à The Shift News en début de semaine à Malte, le travail de l'enquête publique pourrait servir de modèle sur la manière de traiter des cas dans d'autres contextes nationaux, en soulignant qu'il était primordial de tirer des leçons du rapport afin de protéger d'autres journalistes à l'avenir.


À Malte cette semaine, Rebecca Vincent a également suivi l'audience du 27 juillet dans le cadre de la présentation des preuves qui se poursuit contre le commanditaire présumé de l'assassinat, Yorgen Fenech, au cours de laquelle le fils de Daphne, Matthew Caruana Galizia, a témoigné. Il a décrit les enquêtes menées par sa mère dans la période précédant le meurtre, la pression qu'elle ressentait et les précautions qu'ils avaient prises par crainte pour leur sécurité. « Nous étions comme un train sur des rails en direction de la gare. Pour l'arrêter, il fallait que quelqu’un le fasse exploser », a-t-il déclaré à la cour.


« Bien que les conclusions de l'enquête publique représentent une étape cruciale vers la justice pour Daphne Caruana Galizia, poursuit Rebecca Vincent, nous rappelons qu'il s'agit d'un processus distinct de l'affaire pénale. Il reste extrêmement important de suivre de près la procédure criminelle en cours et de veiller à ce que toutes les personnes impliquées dans chaque aspect de cet odieux assassinat soient traduites en justice. »


Malte occupe le 81e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021, après avoir chuté de 34 places depuis l’assassinat de Daphne Caruana Galizia en 2017.

Publié le
Mise à jour le 29.07.2021