Les sites Internet d’information bientôt soumis à des licences de publication

Reporters sans frontières s’insurge contre l’instauration par l’Autorité de Développement des Médias de Singapour (Media Development Authority of Singapore, MDA) d’une nouvelle mesure imposant l’obtention d’une licence de publication pour les principaux sites Internet d’information sur la péninsule. Selon l’organe de régulation, à compter du 1er juin 2013, les sites d’information visités par plus de 50 000 internautes dont les adresses IP sont à Singapour, devront effectuer une demande d’obtention de licence pour pouvoir poursuivre leur activité. “S’il est concevable que des stations de radio et des chaînes télévisées soient soumises à des licences, en raison de la quantité limitée de canaux de diffusion et du besoin de régulation des fréquences, soumettre les sites d’information à un tel système est parfaitement absurde et ne peut être justifié par une quelconque nécessité de ‘cohérence des régulations’ comme l’a laissé entendre l’Autorité de Développement des Médias”, a déclaré Reporters sans frontières. “Cette mesure est contraire au principe de liberté de l’article 19 du Pacte sur les Droits civils et politiques. Même si Singapour n’est pas signataire du traité, ce dernier constitue un standard international pour 160 pays. Les critères de désignation des sites qui seront concernés par l’obligation d’une licence sont contestables à la fois sur le fond et sur la forme et témoignent des velléités de contrôle préalable de l’information par les autorités. Il est très probable que ces dernières cherchent à se doter d’une possibilité accrue de censure des sites couvrant les événements locaux et ayant un impact sur une part importante de l’opinion publique.” “Il y a également fort à craindre que le système de caution associé à l’obtention d’une licence n'entraîne un phénomène d’autocensure, particulièrement pour les sites gratuits dont les faibles revenus ne permette en général qu’à assurer les frais de fonctionnement du site. Nous demandons fermement à l’Autorité de Développement des Médias de revenir sur cette mesure, contraire à tous les principes relatifs à la liberté de l’information, de la presse et d’expression”, a indiqué Reporters sans frontières. Actuellement, les sites d’information sont automatiquement enregistrés sous le Broadcasting Act, qui devrait être amendé pour inclure cette nouvelle réglementation. Pour s’y conformer, tous les sites d’information qui publient au moins un article par semaine concernant Singapour, sur une période de deux mois, et comptabilisent 50 000 visiteurs uniques dans le pays, devront souscrire des licences individuelles. Ils devront également s’acquitter d’une caution de 50 000 dollars singapouriens (39 500 USD), correspondant à une “garantie de bonne fin”. Seront considérés comme “sites d’informations” tous ceux qui publieront des contenus politiques, sociaux, économiques ou relatifs à un quelconque élément concernant Singapour, quelle que soit la langue de diffusion, qu’ils soient payants ou gratuits. Pour le moment, ces licences seraient spécifiques aux sites locaux soumis à la juridiction singapourienne. Dix sites d’information sont déjà officiellement concernés, parmi lesquels Yahoo! (sg.news.yahoo.com) et neuf sites locaux, appartenant à la Singapore Press Holdings ou à Mediacorp. La qualification “locale” englobe ainsi les sites avec un nom de domaine “.sg”, même s’ils sont détenus par des sociétés étrangères. Selon le ministre des Communications et de l’Information, Yaacob Ibrahim, le Broadcasting Act devrait être amendé l’année prochaine pour inclure les sites d’information basés à l’étranger, et visant le marché singapourien. Les licences délivrées seront valides pour une année, au terme de laquelle les critères des sites Internet seront réévalués pour déterminer s’il convient de les renouveler. Les bénéficiaires de cette dernière devront par ailleurs supprimer tous leurs “contenus prohibés” tels que les articles qui “ébranlent l’harmonie raciale et religieuse” dans les 24 heures suivant la notification par les autorités. L’Autorité du Développement des Médias s’est défendue de toute imposition de modification des contenus, arguant que les règles actuelles imposent déjà ces contraintes. Pourtant, aucun délai de retrait des articles jugés “prohibés” n’était jusqu’alors prévu. Singapour se situe au 149ème rang sur 179 au classement mondial 2013 de la liberté de la presse, établi par Reporters sans frontières.
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Mise à jour le 20.01.2016