Les éditeurs de sites responsables à vie des contenus publiés en ligne

Les sénateurs ont adopté, le 9 avril, lors du vote de la LEN, un amendement stipulant que la prescription pour les contenus en ligne commence trois mois après le retrait du texte incriminé. En conséquence, un éditeur de site pourrait être attaqué en diffamation pour des articles publiés des années auparavant.

Les sénateurs ont adopté, le 9 avril 2004, lors du vote de la loi sur la confiance dans l'économie numérique (LEN), un amendement stipulant que la prescription pour les contenus en ligne commence trois mois après le retrait du texte incriminé. En conséquence, un éditeur de site pourrait désormais être attaqué en diffamation pour des articles publiés des années auparavant. Jusqu'alors, conformément au droit de la presse, la prescription débutait trois mois après la mise en ligne du contenu. Reporters sans frontières dénonce cet amendement et demande son retrait lors de l'examen de la LEN en Commission mixte paritaire. "Ce texte a été discuté pour la première fois en deuxième lecture au Sénat. Il a été voté dans l'urgence - par moins d'une vingtaine de sénateurs -, alors qu'il introduit un changement capital. L'absence de prescription pour les contenus en ligne met en cause une protection fondamentale de la liberté d'expression prévue par la loi sur la presse de 1881. Ce type d'amendement ajoute encore aux nombreux dangers déjà présents dans la LEN, projet de loi transformé en véritable capharnaüm juridique", a déclaré l'organisation. Cet amendement a été proposé par René Trégoüet, un sénateur qui avait pourtant jusqu'à présent défendu une position respectueuse de la liberté d'expression. Seule restriction concédée : les articles publiés à la fois dans un média classique et sur Internet continueront de jouir d'un délai de prescription de trois mois à partir de la date de publication et de mise en ligne. L'amendement a pour objectif d'éviter que des personnes publient sciemment en ligne des textes diffamatoires sans pour autant en permettre l'accès aux internautes - en empêchant par exemple leur référencement par des moteurs de recherche - et attendent trois mois pour les mettre à la disposition du public. Cette possibilité n'est toutefois qu'un cas d'école. En réalité, les cas de diffamations sont le plus souvent liés à l'actualité et résultent rarement de ce type de démarche préméditée. En voulant prévenir un risque peu probable, le sénateur a fait naître un danger bien plus grave pour la liberté d'expression. Comme l'indique Lionel Thoumyre, du Forum des droits sur l'Internet, "le problème de la résurgence de certains contenus aurait tout aussi bien pu être réglé par la jurisprudence". En effet, le juge peut tout à fait considérer que la date de publication d'un article est celle de sa mise à disposition du public et non sa date de mise en ligne. Dans tous les cas, cet amendement, qui remet en question l'édifice juridique bâti par la loi de 1881, méritait un débat en profondeur et n'aurait pas dû être adopté comme un énième rajout à un texte déjà très polémique. Retrouvez les précédents articles sur la LEN publiés par Reporters sans frontières sur www.internet.rsf.org
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Updated on 20.01.2016