Les amendes pleuvent à nouveau sur les journalistes bélarusses

Depuis le début de l’année, 26 amendes ont été infligées à des journalistes bélarusses travaillant pour des médias basés à l’étranger. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une nouvelle campagne d’intimidation contre les journalistes indépendants et demande à Minsk de mettre un terme à ce harcèlement judiciaire.

Le journaliste Kastous Joukowski a été condamné à une amende de 1 150 roubles bélarusses (511 euros), le 11 juillet 2017, pour avoir “travaillé pour un média étranger sans accréditation du ministère des Affaires étrangères”. Depuis le début de l’année, c’est la vingt-sixième amende infligée à un journaliste sur la base de l’article 22.9 du Code des infractions administratives, qui prévoit des poursuites pour la “production et/ou la distribution illégale de contenu médiatique”. Cumulé, le total de ces amendes s’élève à 19 849 roubles bélarusses (près de 9 000 euros).


Les collaborateurs de la chaîne Belsat TV, basée en Pologne, sont les premiers à être visés. C’est le cas de Kastous Joukowski, mais aussi de onze autres correspondants condamnés sur la même base depuis le début de l’année. Cette chaîne indépendante bélarusse est obligée d’opérer en exil depuis 2007. Les tentatives répétées de Belsat TV d’ouvrir un bureau à Minsk se sont systématiquement soldées par un échec, forçant ses correspondants à travailler sans accréditation dans le pays.


Cette nouvelle campagne d’intimidation ne vise qu’à renforcer la pression existante sur les journalistes indépendants au Bélarus, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. L’Union européenne doit rappeler au régime d’Alexandre Loukachenko que le respect de la liberté de la presse est une condition sine qua non au rapprochement entre Minsk et Bruxelles. Il est temps pour Minsk de sortir du déni et de traduire dans les faits le pluralisme médiatique vanté par ses officiels.


La répression bat son plein malgré les dénis officiels


Dans un discours inaugurant la session annuelle de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE à Minsk, le 5 juillet, le président Alexandre Loukachenko a en effet affirmé que “l’espace médiatique du Bélarus se développe vigoureusement” et a assimilé la “prétendue violation de la liberté des médias au Bélarus” à un “cliché tiré de l’arsenal du passé”.


La réalité est néanmoins plus sombre. La répression contre les journalistes et médias indépendants s’est intensifiée ces derniers mois sur fond d’importantes manifestations antigouvernementales. Plus d’une centaine de journalistes et blogueurs ont été interpellés courant mars. L’un des bureaux non officiels de Belsat TV à Minsk a été perquisitionné le 31 mars par la police, qui y a saisi du matériel. Pour les journalistes de la chaîne, cette descente visait avant tout à empêcher toute couverture des manifestations.


La pression économique devient étouffante


Après une relative accalmie en 2016, les amendes pleuvent de nouveau sur les journalistes. Aux vingt-six condamnations pour “travail sans accréditation” s’ajoutent au moins treize autres amendes abusives pour “hooliganisme”, “participation à une manifestation non-autorisée” ou encore “résistance à la police”. Le montant des amendes est en général supérieur à la rémunération des journalistes.


Les journalistes de Belsat TV cumulent aujourd’hui près de 7 900 euros d’amendes et plus de 30 jours de détention. Cette pression économique est d’autant plus inquiétante que le gouvernement polonais a annoncé en mai dernier son intention de couper plus des deux-tiers du financement de la chaîne.


Depuis le début de l’année, l’Association des journalistes bélarusses (BAJ), partenaire de RSF, a recensé pas moins de 147 violations des droits des journalistes dans le pays. Le Bélarus occupe la 153e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2017.

Publié le
Mise à jour le 14.07.2017