Le Premier ministre Navin Ramgoolam s'en prend publiquement à la presse indépendante

A l'occasion d'un meeting politique tenu le 1er mai 2011 par l'Alliance de l'Avenir (parti au pouvoir), le Premier ministre mauricien Navin Ramgoolam s'est distingué par de violentes sorties verbales à l'encontre des médias indépendants, notamment le quotidien L'Express et l'hebdomadaire Week-end, accusés d'être au service de son principal opposant politique, Paul Bérenger, le chef du Mouvement Militant Mauricien (MMM). Habitué aux déclarations de ce type, le Premier ministre a cependant franchi la ligne jaune en prenant personnellement à partie, dans son discours, le rédacteur en chef du quotidien L'Express, Raj Meetarbhan, qui a jugé indigne de "brosser ses chaussures". Interrogé par Reporters sans frontières, Raj Meetarbhan est inquiet : "Le virus de la répression est là, les signes sont évidents, et je crains que l'avenir soit sombre pour la presse indépendante à Maurice. J'étais au Zimbabwe au début des années 1980, le pays était démocratique et comptait une presse libre, puis j'ai assisté à la descente aux enfers. J'ai été le témoin direct des dérives de Robert Mugabe, avec les attaques contre les journalistes, puis les opposants, et je crains un scénario identique à Maurice". "Chez nous, le Premier ministre insulte la presse. Il jette en pâture des noms de journalistes devant la foule, ce qui revient presque à un appel au lynchage. S'il est mécontent, il peut écrire une tribune dans L'Express, je lui offre de l'espace dans mon journal", a-t-il ajouté. "Je suis 'indigne de cirer ses pompes' ? Vous voyez à quel niveau le Premier ministre porte le débat dans un pays pourtant dit démocratique. Navin Ramgoolam veut décrédibiliser L'Express, qu'il accuse d'être 'à la solde du secteur privé et du grand capital'. Ce discours instille le poison racial", a conclu le rédacteur en chef de L'Express. Reporters sans frontières condamne les agissements du chef du gouvernement mauricien qui ne font que créer un climat détestable entre autorités d'un côté et médias de l'autre. Ce type de déclarations peut contraindre une majorité de journalistes à l'autocensure et nuit considérablement à l'image de Maurice. A deux jours de la Journée internationale de la liberté de la presse, célébrée le 3 mai, les propos de Navin Ramgoolam jettent un froid. Dans le collimateur des autorités depuis plusieurs années, le groupe de presse La Sentinelle, qui publie L'Express, est victime d'un boycott politique. Plus d'informations . Quelques jours avant le meeting du 1er mai, L'Independent Broadcasting Authority (IBA) avait censuré certains messages de l'opposition politique. Par ailleurs, la télévision publique Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) a décidé de ne pas diffuser un spot publicitaire pour un yaourt à boire estimant qu'il ridiculisait la police. Le spot est visible sur Facebook, dans les salles de cinéma et sur L'express.mu. En octobre 2010, l'île Maurice était classée au 65ème rang mondial du classement de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières, enregistrant une chute de 14 places par rapport à l'année précédente.
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Updated on 20.01.2016