Le Kazakhstan censure l’information sur le sommet de l’Union économique eurasiatique

Les autorités du Kazakhstan ont tout fait pour éviter que les journalistes ne gâchent la fête. Le 29 mai, le président kazakh Noursoultan Nazarbaïev accueillait à Astana ses homologues russe et biélorusse, Aleksandre Loukachenko et Vladimir Poutine, pour porter le projet initié par Moscou d’une Union économique eurasiatique (UEE). Le gouvernement a pris les dispositions nécessaires pour étouffer les voix critiques : trois journalistes ont été arrêtés, et un site Internet d’envergure a été partiellement bloqué. Orken Bissenov, alias Orken Joïamerguen, journaliste à Radio Azattyk (service kazakh de Radio Free Europe), et ses confrères Sanat Ournaliev et Viktor Goudz, journalistes pour le portail Internet 16/12, ont été arrêtés le 27 mai 2014 près d’Astana. Les journalistes couvraient une réunion d’activistes préparant une manifestation contre l’UEE prévue pour le 29 mai. Une vingtaine de personnes parmi les participants ont également été placés en état d’arrestation. Les trois journalistes ont été condamnés par un tribunal administratif d’Astana à quatre jours d’isolement pénitencier pour “actes de vandalisme mineurs”, après un procès de plusieurs heures qui s’est terminé à six heures du matin le 28 mai. Le jour du sommet, le 29 mai, le site Internet de Radio Azattyk a été partiellement bloqué pendant quelques heures dans le pays au moment de la rencontre des trois présidents. Tous les articles du site de Radio Azattyk abordant le sujet de l’UEE ont été rendus inaccessibles pendant ce temps. “Reporters sans frontières dénonce fermement ces actes de censure. Ils sont inadmissibles”, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de Reporters sans frontières. “La condamnation à quatre jours d’emprisonnement est un moyen pour les autorités kazakhes d’empêcher les journalistes de couvrir la manifestation du 29 mai, et un avertissement inquiétant lancé à tous les professionnels des médias. Face au rejet du projet eurasiatique de la part d’une partie de la population, les autorités kazakhes veulent museler les médias, de peur qu’ils ne relaient et n’alimentent les mécontements. Depuis les émeutes sociales de Janaozen du 16 décembre 2011, réprimées dans le sang, elles vivent dans la crainte qu’un tel soulèvement ne se répète et qu’elles ne soient à nouveau destabilisées.” Le Kazakhstan connaît depuis quelques années un véritable déclin de la liberté de l’information. La dérive sécuritaire se caractérise autant par une multiplication des arrestations et des condamnations des acteurs de l’information, que par des réformes du système législatif permettant un contrôle toujours plus étroit de la sphère médiatique. Le Kazakhstan figure à la 161e place sur 180 pays dans le classement mondial 2014 de la liberté de la presse de Reporters sans frontières. (Photo : Michael Klimentyev / Ria Novosti Pool/ AFP)
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Updated on 20.01.2016