La Thaïlande : nouvel ennemi d'Internet ?

Reporters sans frontières exprime son inquiétude pour la situation d'Internet en Thaïlande après que le nouveau gouvernement, en place depuis le 15 décembre 2008, a décidé de faire de la surveillance du cyberespace sa priorité, au nom de la lutte contre le crime de lèse-majesté. Actualisé le 14 janvier 2009

Actualisé le 14 janvier 2009 Reporters sans frontières exprime son inquiétude pour la situation d'Internet en Thaïlande après que le nouveau gouvernement, en place depuis le 15 décembre 2008, a décidé de faire de la surveillance du cyberespace sa priorité, au nom de la lutte contre le crime de lèse-majesté. Selon Ranongrak Suwanchawee, ministre de l'Information et des Communications, plus de 2 300 sites ont été bloqués et 400 font l'objet d'une enquête judiciaire. Le gouvernement consacre désormais près de 2 millions d'euros (80 millions de baht) au filtrage du Web. “Face aux dérives liberticides dont les réformes annoncées sont porteuses, il est important que le gouvernement accepte de débattre sur l'activité en ligne des internautes. Ce sujet est subitement devenu une priorité, alors que l'accès à Internet est loin d'être général en Thaïlande. Nous condamnons les mesures prises depuis l'accession au pouvoir de l'Alliance du peuple pour la démocratie (APD), qui constituent des atteintes graves à la liberté d'expression en ligne au nom d'un crime mal défini”, a déclaré l'oganisation. Le 11 janvier 2009, le professeur associé de sciences politiques à l'université de Chulalongkorn (Bangkok), Giles Ji Ungpakorn, a été informé qu'il devrait se présenter au commissariat, le 20 janvier, en raison de la publication de son livre “Un coup d'Etat pour les Riches” (“A coup for the Rich”), gratuitement téléchargeable sur son blog http://www.wdpress.blog.co.uk, qui le rend coupable de “crime de lèse-majesté” aux yeux des autorités. Reporters sans frontières rappelle qu'un citoyen originaire de Melbourne, Harry Nicolaides, a été arrêté le 31 août 2008 pour le même motif. Professeur à l'université de Mae Fah Luang à Chiang Rai (nord du pays), il contribuait également à certaines revues et sites Internet. Ses quatre demandes de mise en liberté provisoire ont été refusées. Le 29 décembre, Ranongrak Suwanchawee avait déclaré que la priorité de son ministère était de “bloquer les sites Internet insultant la monarchie”. Elle avait également ajouté que son prédécesseur “croyait par erreur qu'il y avait peu à faire pour contrôler les sites Internet hébergés à l'étranger”. Deux jours auparavant, les démocrates au pouvoir avaient appelé à un durcissement de la législation sur le crime. En effet, le commandant en chef des armées, le général Anupong Paojinda, avait demandé à ses officiers de veiller à ce qu'aucun geste contraire à la monarchie ne soit commis. Il avait également ordonné que chacun des huit cents bataillons de l'armée royale surveillent un à deux sites Internet jugés “sensibles” afin qu'aucun commentaire susceptible de ternir l'image du roi ne soit posté en ligne. La Thaïlande regroupe 14 millions d'internautes, soit environ 20 % de la population. Une association de blogueurs, le Thai Netizen, rencontrera le nouveau Premier ministre, le 13 janvier, afin de lui soumettre une pétition en faveur de la liberté d'expression en ligne et de lui faire part de propositions pour trouver un compromis sur la question. Crééé à l'initiative la spécialiste des médias Supinya Klangnarong, cette association regroupe des blogueurs et des internautes qui militent pour la liberté d'expression en ligne dans le royaume. Les sites sont bloqués par des requêtes informelles, sans valeur juridique, de la part des autorités aux fournisseurs d'accès à Internet. En vertu de l'article 112 du code pénal, est coupable de crime de lèse-majesté, “toute personne ayant diffamé, insulté ou menacé le roi, la reine, l'héritier présomptif ou le régent”. Une peine de trois à quinze ans de prison peut être requise à son encontre. La loi relative à la cybercriminalité (Cybercrime Act), adoptée en 2007, prévoit également que les fournisseurs d'accès à Internet doivent conserver les informations individuelles des internautes pendant 90 jours. Les autorités ont le pouvoir de vérifier ces informations sans aucun contrôle judiciaire. Par ailleurs, cette loi autorise la police à saisir les ordinateurs si elle suspecte un usage illégal de la machine.
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Updated on 20.01.2016