La chaîne Thai PBS et quatre de ses employés poursuivis pour diffamation

Reporters sans frontières (RSF) demande à la cour pénale de Bangkok de refuser de se saisir de la plainte déposée par la compagnie minière Tungkum Limited à l’encontre de la chaîne Thai Public Broadcasting Service (Thai PBS) et de quatre de ses employés, après la diffusion, en septembre 2015, d’une vidéo contenant des allégations de pollution environnementale. RSF demande également l'abrogation de la loi sur la diffamation et du Computer Crime Act.

Le 16 novembre 2016, la cour criminelle de Bangkok décidera de recevoir ou non les plaintes pour diffamation pénale et les accusations de violation du Computer Crime Act déposée par la compagnie Tungkum Ltd. à l’encontre de Thai PBS et de quatre de ses employés. Si la cour valide le bien-fondé de l’affaire, un procès aura lieu à l’issue duquel les journalistes encourront des peines allant jusqu’à cinq ans de prison et 200 000 bahts (environ 5200 euros) d’amende. Les quatre journalistes visés par la plainte sont Wirada Saelim, Somchai Suwanbun, ancien directeur général de Thaï PBS, Korkhet Chantalertluk, directeur de l’information et Yothin Sitthibodeekul, directeur du département de la télévision et de la radio.


La compagnie minière, qui extrait de l’or dans la province de Loei (nord-est du pays) depuis plusieurs années, a estimé en novembre 2015 que la vidéo diffusée par Thai PBS deux mois plus tôt et dans laquelle une écolière de 15 ans discutait de l’impact de la mine d’or à ciel ouvert sur plusieurs villages de la région, avait porté atteinte à sa réputation. La compagnie a demandé 50 millions de bahts (environ 1,3 million d’euros) de dommages ainsi que le retrait de la licence de la chaîne pour les cinq années à venir.



Nous demandons à la cour pénale à Bangkok de ne retenir ni la plainte pour diffamation ni les accusations de violation de l'amendement du Computer Crime Act, qui est une fois de plus instrumentalisée au mépris de la liberté de la presse et de l’information, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. La justice ne doit pas faire le jeu d’une société privée dont le seul objectif est d’empêtrer ceux qui se montrent critiques à son encontre dans de longues et coûteuses procédures judiciaires.”


Selon la loi thaïlandaise, si la cour accepte de juger l’affaire, un éventuel retrait de la plainte pour diffamation par Tungkum n'annulerait pas forcément l’accusation pour violation de l’amendement du Computer Crime Act et les accusés risqueraient toujours de lourdes peines d'emprisonnement.


“La poursuite en justice émanant de Tungkum Ltd n’est rien d’autre qu’une manoeuvre désespérée d’intimidation à l’encontre de tous ceux qui tentent d’attirer l’attention sur l’impact environnemental de ses activités minières dans la région. S’ils se soucient véritablement de l’image de la compagnie, les dirigeants de Tungkum Ltd, devraient examiner les allégations des citoyens de la province de Loei et retirer leur plainte afin de privilégier des mesures proportionnées telles que le recours au droit de réponse ou à la médiation”, conclut Benjamin Ismaïl.


Tungkum Ltd. a également déposé six plaintes pour diffamation à l’encontre des membres de l’association Khon Rak Ban Kerd Group (KRBKG), qui oeuvre pour la protection de l’environnement, la réadaptation de l’environnement local et la fermeture de la mine d’or dans la province de Loei. En 2014, la compagnie avait organisé des représailles physiques contre les manifestants environnementalistes et avec la complicité des forces de l’ordre qui n’étaient pas intervenues malgré des appels en urgence des manifestants.


La Thaïlande occupe la 136e place dans le Classement mondial de la liberté de la presse, établi par RSF.


Voir le communiqué joint de 14 organisations soutenant Thai PBS :

Publié le
Updated on 23.08.2019