Kazakhstan : la journaliste d’opposition Inga Imanbaï harcelée par les autorités

Agressée pour avoir voulu filmer l’arrestation de son mari, écartée de son journal, citée lors d’un interrogatoire illégal, Inga Imanbaï subit de graves entraves à l’exercice de son métier. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités de cesser ce harcèlement et de juger les responsables de son agression.

Deux semaines après son agression, la journaliste d’opposition Inga Imanbaï n’a toujours reçu aucune suite à sa plainte déposée le 1er mars 2020, alors que le délai légal pour l’étudier a expiré. Son mari Janbolat Mamaï, un ex-journaliste cofondateur d’un nouveau parti, s’apprêtait à partir à une manifestation lorsqu’il s’est fait arrêté par un groupe d’hommes - des policiers en civil, selon Inga Imanbaï. Ceux-ci voulaient l’emmener de force au poste de police. La journaliste, a filmé la scène sur son téléphone, avant que l’un des assaillants ne le lui arrache des mains et lui cogne la tête contre une clôture métallique. Inga Imanbaï, qui est enceinte de plusieurs mois, avait signalé son statut professionnel en montrant sa carte de presse. Victime d’une légère commotion cérébrale, elle a dû se rendre d’urgence à l’hôpital pour y être soignée.


Nommée rédactrice en chef du quotidien indépendant Jas Alach début janvier, Inga Imanbaï a par ailleurs été écartée de ses responsabilités et donc poussée à la démission le 20 février, peu avant des rassemblements organisés pour soutenir le parti "Choix démocratique du Kazakhstan" (DVK) dont Janbolat Mamaï a pris la tête. La journaliste affirme sur Facebook avoir été placardisée sous la pression des autorités, pour ses articles sur l’ancien président Noursoultan Nazarbaïev et sa famille et en raison des nouvelles fonctions de son mari.


« Inga Imanbaï fait l’objet d’un véritable harcèlement, dénonce la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF, Jeanne Cavelier. Nous exhortons les autorités kazakhes à mener une enquête transparente et efficace sur son agression, dans le respect de leurs engagements internationaux et à juger les responsables. Des médias libres sont indispensables au débat démocratique et à la crédibilité du discours réformateur du président Kassym-Jomart Tokaïev, au pouvoir depuis près d’un an. Sans compter qu’il incombe à l’Etat de garantir la sécurité des journalistes.»


La police compte en outre ouvrir une enquête pénale pour « incitation à la haine sociale » à propos d’un article sur Noursoultan Nazarbaïev paru dans Jas Alach. C’est ce qu’ont affirmé des policiers à son auteur, Askhat Akhan, interrogé le 29 février en l’absence de son avocat. Les agents souhaitaient savoir si Inga Imanbaï avait commandé cet article.


Le 22 février dernier, la police kazakhe avait empêché plusieurs journalistes de couvrir la journée de mobilisation du nouveau parti d’opposition. Le Kazakhstan occupe la 158e place sur 180 au Classement mondial 2019 de la liberté de la presse, publié par RSF.

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Mise à jour le 17.03.2020