Journalistes convoqués par les renseignements français : RSF dénonce les menaces de poursuites

Trois journalistes d’investigation sont convoqués par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) après avoir révélé des informations sur l’utilisation d’armes françaises dans la guerre au Yémen. Reporters sans frontières (RSF) rappelle le droit des journalistes de refuser de divulguer leurs sources, et exprime ses inquiétudes quant à leur éventuelle mise en examen qui constituerait une grave violation de la liberté de la presse.

Mathias Destal et Geoffrey Livolsi, deux fondateurs du média en ligne Disclose, ainsi que le journaliste de Radio France Benoît Collombat, sont convoqués les 14 et 15 mai dans les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet de Paris pour “compromission du secret de la défense nationale” à la suite d’une plainte du ministère des Armées. D’après la convocation qui leur a été transmise, ces trois journalistes sont “soupçonnés” d’avoir commis ou ‘tenté de commettre” ce délit, après avoir publié en avril des révélations sur l’utilisation d’armes françaises au Yémen. Leur enquête était basée sur une note classée “confidentiel-défense” de la direction du renseignement militaire (DRM) qui leur a été transmise par une source dont ils ont préservé l’anonymat.


Au terme de la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources, les journalistes ont le droit de refuser de révéler l’identité de leur informateur, et les autorités ne peuvent les obliger à le faire.


On peut craindre que cette audition n’ait d’autre objectif que de faire pression sur ces journalistes pour les pousser à révéler leur source, sous la menace de poursuites, s’inquiète Paul Coppin, responsable juridique de RSF. Dans l’incapacité légale de les obliger à dévoiler l’identité de leur informateur, le parquet fait peser sur eux la menace d’une mise en examen, pour compromission du secret de la défense nationale” - délit puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. “Le simple fait de les menacer de telles poursuites, pour avoir publié des informations d’intérêt général, constituerait en soi une sérieuse atteinte au droit du public à l’information.


RSF considère que les informations divulguées dans le cadre de l’enquête de Disclose, intitulée “Made In France” et qui révèlent l'utilisation d’armes françaises au Yémen sont en effet d’un intérêt public légitime, ces armes pouvant être utilisées dans les crimes de guerre qui sont commis dans ce conflit.  


La France est située au 32e rang sur 180 pays dans la dernière édition du Classement mondial de la liberté de la presse qui vient d’être publiée.

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Updated on 26.04.2019