Jeux asiatiques au Turkménistan : les médias indépendants sont K.O
Du 17 au 27 septembre 2017, la capitale du Turkménistan accueille les cinquièmes Jeux asiatiques d’arts martiaux et de sports en salle. Alors que la dictature centrasiatique compte sur cet événement pour rayonner sur la scène internationale, Reporters sans frontières (RSF) dénonce la répression dont sont victimes les derniers journalistes critiques et l’absence de tout média indépendant dans le pays.
L’écart est abyssal entre l’image de carte postale donnée par les autorités turkmènes et la réalité vécue par ceux qui osent la critiquer: si la loi proclame officiellement la liberté d’expression et interdit la censure, le Turkménistan est un véritable trou noir de l’information. L’ensemble des médias sont contrôlés par l’Etat et les derniers journalistes indépendants sont traqués et réduits à la clandestinité, ce qui vaut au pays d’occuper la 178ème place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2017. Même les événements sportifs sont sous contrôle: les correspondants d’au moins trois médias internationaux, dont celui de l’Agence France Presse (AFP) et du Guardian ont été empêchés d’entrer dans le pays pour couvrir les Jeux.
“Les spectateurs internationaux ne doivent pas se laisser duper par une opération de communication montée par l’un des Etats les plus répressifs de la planète, déclare Johann Bihr, responsable du Bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Les fastes déployés par le Turkménistan à l’occasion du lancement des jeux ne peuvent faire oublier que menaces et tortures restent le quotidien de ceux qui osent remettre en question le discours officiel.”
Les derniers journalistes indépendants turkmènes font l’objet d’une répression qui s’est accrue ces trois dernières années, au point d’affecter jusqu’aux correspondants de médias basés à l’étranger, tels que Alternative Turkmenistan News, Chroniques du Turkménistan, Gündogar, Ferghana et Radio Azatlyk (service turkmène de Radio Free Europe / Radio Liberty). Fin juillet, la journaliste Soltan Achilova, qui collabore avec Radio Azatlyk, a ainsi fait l’objet de menaces de mort et d’une tentative d’agression. Elle avait déjà été victime en novembre 2016 de trois attaques successives.
Des accusations de détention de drogues, montées de toutes pièce, ont également été formulées à l’égard de deux correspondants de Radio Azatlyk. Arrêté en juillet 2015, Saparmamed Nepeskouliev croupit depuis en prison après avoir été condamné à trois ans de détention. Son emprisonnement, prononcé au terme d’un procès mené à huis clos et sans avocat, a été qualifié d’arbitraire par le Groupe de travail spécialisé des Nations-Unies. C’est sous des accusations voisines que le journaliste Khoudaïberdy Allachov a également été détenu avec sa mère pendant plus de deux mois, début 2017.
Le président turkmène, Gourbangouly Berdymoukhamedov,véritable prédateur de la liberté de la presse maintient par ailleurs un contrôle absolu sur le “Turkmenet”, version totalement expurgée d’Internet qui est la seule accessible à la population. Le “Père protecteur” (Arkadag) est en passe de colmater la dernière brèche dans son blocus de l’information : sous prétexte d’embellir les villes, les autorités accélèrent ces dernières années leur campagne d’éradication des antennes paraboliques, qui permettaient aux habitants de capter des chaînes satellitaires étrangères.