Italie : quand une agence de l’ONU cherche à faire taire un journaliste

Le rédacteur en chef d’un journal anglophone basé à Rome est poursuivi pour diffamation par le directeur général et plusieurs cadres dirigeants de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). RSF dénonce la disproportion des poursuites engagées contre le journaliste.  

Pour avoir “terni l’image” de la FAO en dénonçant des scandales de corruption ou de népotisme en cours au sein de cette agence de l’ONU, le rédacteur en chef d’Italian Insider, John Phillips, comparaîtra jeudi 14 juin devant le tribunal de Rome. En vertu de la loi italienne sur la diffamation, il encourt pour le “crime” dont il est accusé au moins trois ans de prison et plus 100 000 euros de dommages-intérêts, un montant exorbitant auquel ni lui, ni son journal ne pourront faire face.


Le directeur de la FAO, le brésilien José Graziano da Silva, a porté plainte en qualité de représentant de l’agence, et réclame des dommages intérêts dont le montant n’a pas été révélé. Quatre autres responsables de la FAO dont le chef de cabinet de José Graziano da Silva, ont également engagé des poursuites et réclament pour leur part près de 100 000 euros au journaliste.


Le mensuel Italian Insider a été fondé en 2009 par le journaliste britannique John Phillips et une poignée de correspondants étrangers en poste dans la capitale italienne désireux de publier de longues enquêtes d’investigation. Leurs travaux ont été repris par les plus grands médias internationaux ces dernières années comme The Economist, le Guardian, l’AFP ou la RAI.


“RSF déplore que la FAO et son directeur aient engagé des poursuites pénales contre le journaliste John Phillips et demandent des dommages et intérêts démesurés, l’objectif clairement affiché de cette démarche étant de parvenir à la fermeture de la publication, déclare Pauline Adès-Mével, responsable de la zone UE- Balkans de RSF. Les Nations Unies ayant notamment pour mandat de promouvoir et défendre la liberté de la presse, il est hautement regrettable que l’une de ses agences traîne un média et ses journalistes en justice de la sorte.”


Une collecte de fonds intitulée Italian insider legal defense fund a été lancée le 1er juin sur la plateforme de crowdfunding Gofundme pour couvrir les frais de justice du journaliste.


L’italie, où un article du code pénal permet de faire peser sur les auteurs de diffamation contre les politiciens, magistrats ou fonctionnaires des peines d'au moins trois ans de prison, occupe la 46e place au Classement de la liberté de la presse établi en 2018 par RSF

Publié le
Updated on 12.06.2018