Inquiétudes autour de l’état de santé des journalistes détenus par les Houthis

Dans la prison de la sécurité politique à Sanaa, dix journalistes sont détenus dans de mauvaises conditions depuis près de deux ans par les rebelles houthis. Selon leurs familles, l’état de santé de certains d’entre eux est affligeant. Reporters sans frontières (RSF) dénonce l’arbitraire de leur détention et demande aux autorités yéménites de tout mettre en place pour obtenir leur libération au plus vite.

RSF a pu recenser au moins cinq cas de journalistes et collaborateurs de médias, parmi les dix journalistes détenus dans la prison de la sécurité politique, située à l’ouest de la capitale, dont l’état de santé apparaît très préoccupant. Selon nos informations, l’apport aux prisonniers de médicaments ou d’habits de la part des familles est aujourd’hui interdit.


Reporters sans frontières condamne fermement la détention arbitraire des journalistes par les rebelles houthis et demande leur libération immédiate et sans conditions.


Nous demandons aux autorités de tout mettre en place pour libérer les journalistes détenus afin qu’ils puissent se faire soigner au plus vite, déclare Alexandra El Khazen, responsable du bureau Moyen-Orient de l’organisation. Alors que le pays fait face à une situation politique, sécuritaire et humanitaire catastrophique, les journalistes sont pris à parti dans ce conflit car ils sont vus comme des suspects. Nous demandons également une enquête indépendante et impartiale menée par des acteurs internationaux afin de traduire en justice toutes les parties coupables des crimes à l’encontre des journalistes au Yémen.”


Climat délétère dans la prison à Sanaa


Selon nos informations, la famille de Toufic Al-Mansouri, ancien responsable graphiste du journal Al-Masdar, proche du parti Islah, se voit refuser les visites et même un échange téléphonique depuis plus de deux semaines. Inquiète, sa famille est persuadée que sa vie est en danger. Selon cette dernière, sa santé s’est nettement détériorée en détention.


Toufic Al-Mansouri a été enlevé le 9 juin 2015 par des hommes du groupe rebelle avec huit autres journalistes et collaborateurs de médias alors qu’ils se trouvaient dans un hôtel à Sanaa pour travailler. Selon nos sources, il fait partie des prisonniers maintenus à l’isolement pendant des semaines et torturés, entre autres, avec des électrodes. C’est aussi le cas d’AbdelKhaleq Amrane, ancien rédacteur en chef du site Islah, proche des frères musulmans, qui souffre de douleurs accrues à la colonne vertébrale à la suite d’actes de tortures qu’il a subis, selon sa famille. Il est aujourd’hui menacé de paralysie.


RSF a reçu des informations faisant état de la santé préoccupante d’autres journalistes détenus dans la même prison. Il s’agit des journalistes Issam Belghith, qui travaillait pour Radio Nas, également proche des frères musulmans; Akram Al-Walidi, journaliste pour le site d’information Al-Rabi’ net et Salah Al-Qa’idi, journaliste pour la chaîne Suhail.


Bien avant l’arrivée des rebelles houthis à Sanaa en septembre 2014, la prison de la sécurité politique était réputée pour sa sévérité au niveau de l’accès aux visites ainsi qu’aux médicaments en plus du traitement humiliant des familles. Sous le contrôle des houthis, la situation n’a fait qu’empirer.


En mai 2016, les familles des journalistes détenus par les houthis avaient annoncé que ces derniers avaient entamé une grève de la faim pour protester contre leurs mauvaises conditions de détention lorsqu’ils étaient encore à la prison de Habra et avant leur transfert.


Journalistes pris pour cibles


Selon nos sources, le rédacteur en chef du site Alssada News, Amin Al-Majzoub, détenu depuis juillet 2015 par les Houthis dans une prison de la province de Ibb, au sud de la capitale, a été libéré le 25 mars dernier grâce à un effort de médiation impliquant des tribus locales.


Les journalistes yéménites sont pris en étau entre les différents acteurs du conflit au Yémen. Lorsqu’ils ne sont pas tués en couvrant les combats par des tirs de snipers ou en raison des bombardements aériens, ils risquent d’être enlevés par des groupes armés ou interpellés par les forces loyalistes. Certains meurent dans des circonstances obscures, comme le journaliste d’investigation Mohamed Al-Absi, réputé pour ses enquêtes sur la corruption, le marché noir et l’économie de la guerre, qui est mort empoisonné par un gaz toxique fin décembre 2016.


Au moins 16 journalistes et collaborateurs de médias sont actuellement détenus par les groupes armés dans le pays. RSF a peu de nouvelles concernant les autres journalistes détenus par les Houthis ou même par Al-Qaïda en dehors de la capitale.


Le Yémen figure à la 170e place (sur 180) du Classement 2016 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.

Publié le
Mise à jour le 13.04.2017