Hongrie : la disparition du plus grand site d’information indépendant exige une action urgente des institutions européennes

La quasi-totalité des journalistes d’Index.hu, le site phare du journalisme indépendant en Hongrie, ont refusé les pressions du gouvernement et ont démissionné. Reporters sans frontières (RSF) demande aux institutions européennes de conditionner clairement l’accès aux fonds de l’UE au respect de l’Etat de droit mais aussi de se pencher sur le caractère inéquitable de la distribution des aides d'Etat aux médias.

Quand les 80 des 90 journalistes du site indépendant Index.hu ont remis leur démission à la suite du limogeage de leur rédacteur-en-chef Szabolcs Dull le 24 juillet dernier, ils étaient en larmes. Alors que le soir même, à Budapest, plusieurs milliers de personnes étaient venues apporter leur soutien aux journalistes en scandant : “Pays libre, médias libres !”, 200 000 personnes ont rejoint leur nouvelle page Facebook au cours du week-end. Des signes d'espoir après la disparition progressive du site phare du journalisme indépendant. L’entrée de deux hommes d'affaires proches du gouvernement de Viktor Orbán, au capital de la société de publicité d’Index.hu et au sein de la direction du portail, a finalement débouché, le 22 juillet, sur le licenciement de Szabolcs Dull.


A ce stade, rien n’indique si les journalistes de ce qui était le plus grand site indépendant de Hongrie, fondé en 1999 et consulté par un million de lecteurs par jour dans un pays de 10 millions d’habitants, vont lancer un nouveau projet, intégrer un média existant ou changer de vocation. Ce qui est sûr en revanche, c’est que s’ils veulent continuer à exercer leur métier, ils devront se confronter aux conditions de plus en plus difficiles imposées aux médias indépendants hongrois. Les campagnes de haine contre les journalistes critiques, le harcèlement judiciaire et l’accès limité aux informations publiques s’ajoutent à la distorsion systématique du marché des médias par la distribution inéquitable de la publicité de l’Etat. 


Une politique discriminatoire

Les trois quarts de la publicité des pouvoirs publics, qui s’élève chaque année à des centaines de millions d’euros, sont alloués aux médias pro-gouvernementaux. Pour sa part, Index.hu n’a touché, en 2017, que 4,5 % de la publicité d'État en ligne, alors que son concurrent pro-gouvernemental Origo, à l’audience comparable, en a perçu 44,5 %. Cette politique fortement discriminatoire, dont l’effet est exacerbé par la crise économique liée au coronavirus, continue d’étouffer la poignée de médias indépendants et ne manquera pas de rendre plus difficile encore toute tentative d’en fonder un nouveau. Alors que la Vice-présidente de la Commission européenne, chargée des  valeurs et de la transparence, Věra Jourová s’est dite prête à “soutenir” les journalistes d’Index.hu, les services de sa collègue responsable de la concurrence, Margrethe Vestager, ferment jusqu’à présent les yeux sur une plainte déposée par l’ONG Mérték Média Monitor, une radio et un député européen hongrois en 2019 à propos de l’aide d'État illégale, et ce malgré un rappel de RSF et de ses partenaires en fin d’année dernière. 


“La fin d’Index.hu est un rappel cruel de la difficile condition des médias indépendants et un signe supplémentaire du déclin incessant de la liberté de la presse en Hongrie, déclare Pavol Szalai, responsable du bureau UE/Balkans à RSF. En vertu de ses compétences exclusives dans le domaine de la concurrence, la Commission européenne devrait examiner en urgence la distribution de la publicité d’Etat injuste et non transparente. Le Conseil de l’UE, quant à lui, devrait accepter un conditionnement clair des fonds européens au respect de l’Etat de droit, demandé au lendemain du dernier sommet européen par le Parlement européen.”


La Hongrie se situe à la 89e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2020.

Publié le
Updated on 28.07.2020