Géorgie : RSF dénonce la pression grandissante sur les médias à l’approche des législatives

A moins de quatre mois des élections, le Parlement adopte une législation restreignant la liberté des médias et le parti au pouvoir annonce une croisade contre la désinformation. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une atteinte à l’indépendance et au pluralisme des médias.

A quelques mois d’une échéance électorale à forts enjeux, l’atmosphère se fait étouffante pour les médias d’opposition géorgiens. Ils sont soumis à une législation de plus en plus stricte et, sous couvert de lutte contre la désinformation, à des pressions judiciaires menaçant directement leurs choix éditoriaux.


Le dernier amendement de la loi régissant les communications électroniques présenté par le gouvernement et adopté le 17 juillet par le Parlement témoigne d’une volonté de contrôle des radios et chaînes télévisées. Il permet la nomination d’un « manager spécial » à celles qui jouent également le rôle d'opérateur. Celui-ci est autorisé à prendre le contrôle des entreprises ne pouvant se conformer aux décisions de la Commission nationale des communications jusqu’à la mise en œuvre de celles-ci. Il exerce un droit de nomination et de licenciement des dirigeants, et peut rompre les contrats et partenariats conclus l’année précédant sa prise de fonction.


Dotée à sa création d’une mission strictement opérationnelle, la Commission voit ses prérogatives progressivement s’étendre à la surveillance et la censure. En décembre 2019, la création d’une plateforme dédiée à l’examen et à l’orientation du contenu médiatique géorgien était déjà perçue comme une atteinte à la liberté des médias indépendants. Baptisée “Media Critic”, celle-ci s’est récemment employée à discréditer Netgazeti.ge et Batumelebi, deux médias indépendants, les accusant de désinformation.


Les médias hostiles au pouvoir en place sont régulièrement victimes de ce type d’attaque. Dans le cadre d’une enquête pour « sabotage », les services secrets géorgiens accusent les journalistes de la chaîne de télévision Mtavari Arkhi de désinformer la population et de discréditer le pouvoir. Ils estiment qu’elle a intentionnellement mal traduit des entretiens avec les habitants de Marneuli, localité à majorité azerbaïdjanaise du sud de la Géorgie, dans lesquels ils affirmeraient avoir reçu de l’argent des autorités locales et du personnel médical pour désigner le Covid-19 comme cause du décès de leurs proches. Selon les services secrets qui ont obtenu l’enregistrement complet du reportage, ce dernier alimente un sentiment d’insécurité et de défiance envers l’Etat - un délit puni de deux à quatre ans de prison selon l’article 318 du Code pénal géorgien.  


Le gouvernement géorgien ne doit pas interférer dans le travail des rédactions, déclare la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF, Jeanne Cavelier. La communication des enregistrements aux services secrets marque un précédent inquiétant. Par ailleurs, à moins de quatre mois des législatives, l’indépendance et le pluralisme des médias sont essentiels à la tenue d’un débat démocratique. Nous appelons les autorités à abandonner immédiatement la procédure pénale contre Mtavari Arkhi et à promouvoir la fiabilité de l’information plutôt qu’à tenter de censurer des contenus.”


Après la chaîne TV privée Rustavi 2, qui a vu sa ligne éditoriale bouleversée l’été dernier par un changement de propriétaire, la télévision publique locale Adjara TV subit depuis septembre 2019 des tentatives d'ingérence politique. Cette pression sur les voix dissidentes est d'autant plus forte à l’aune de la campagne électorale. Sans surprise, les médias désignés comme diffuseurs de fausses informations par le maire de Tbilissi et secrétaire général du parti au pouvoir Rêve Géorgien sont les chaînes pro-opposition Mtavari Arkhi, TV Pirveli et Formula TV


La Géorgie occupe la 60e place sur 180 au Classement mondial 2020 de la liberté de la presse, établi par RSF.

Publié le
Updated on 20.07.2020