Examen périodique universel de Singapour : RSF dénonce le mépris des autorités pour la liberté de la presse

A l’occasion de l’Examen périodique universel (EPU) de Singapour par les autres Etats-membres du Conseil des droits de l’homme (CDH) des Nations unies, prévu en mai 2021, Reporters sans frontières (RSF) a transmis une contribution, dans laquelle l’organisation déplore un mépris absolu des autorités de la Cité-Etat à l’égard des principes fondamentaux de la liberté de la presse.

Lors de la dernière session d’examen de la situation des droits de l’homme à Singapour par le CDH des Nations unies, en 2016, les autorités de la Cité-Etat ont accepté 117 recommandations. Parmi elles, absolument aucune ne concernait la liberté de la presse - et ce, en dépit de nombreuses préconisations émises par plusieurs Etats-membres pour réformer les articles de loi qui criminalisent la diffamation, mettre fin à la censure des médias par l’appareil d’Etat, et permettre l’émergence d’une presse indépendante non-tenue par l’auto-censure.


Cinq ans plus tard, la situation s’est largement détériorée - notamment avec l’application, depuis octobre 2019, de la loi “anti-fake news”, ou loi de protection contre les mensonges et les manipulations en ligne (Protection from Online Falsehoods and Manipulation Act, “Pofma”). Ce texte octroie à chaque membre du gouvernement le droit de “corriger”, supprimer ou bloquer l’accès à toute information qu’il jugerait fausse ou qui “diminuerait la confiance du public dans le gouvernement”. 


Contre-modèle


“Nous appelons les délégations des membres du Conseil des droits de l’homme à interpeller les représentants de Singapour sur leur mépris absolu des principes fondamentaux de la liberté de la presse, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF.  Il n’est pas acceptable qu'un Etat refuse tout simplement de s’engager un temps soit peu auprès de ses pairs sur cette question absolument centrale.”


“Singapour, qui se vante d’être un modèle de développement économique, est un parfait contre-modèle en ce qui concerne la liberté de l'information. Les démocraties ne sauraient tolérer cet état de fait.”


Au pouvoir de façon continue depuis l’indépendance de la Cité-Etat en 1965, le Parti d’action populaire (People’s Action Party, PAP) du Premier ministre Lee Hsien Loong dispose d’un arsenal juridique qui permet au gouvernement, entre autre, de présider à la nomination des responsables des grands médias, et notamment les membres de leur conseil d’administration et de leur rédaction en chef. 


Autocensure 


L’exécutif décide également de façon arbitraire si un organe de presse étranger peut, ou non, être distribué ou diffusé dans la Cité-Etat. Plusieurs lois, comme celle sur la sédition ou le code pénal, prévoient des peines de prison pour la publication d’informations pouvant, par exemple, “promouvoir la malveillance ou l'hostilité" au sein de la population. Les formulations de ces textes laissent une grande part d’interprétation aux juges et permettent, par conséquent, d’imposer une vaste autocensure au sein des médias d’information.


Le gouvernement n’a généralement pas à en venir à ces menaces de harcèlement judiciaires avec les journalistes des grands médias du pays - presse écrite, audiovisuel et portails web. Ils appartiennent en effet soit au groupe MediaCorp, détenu par une société d’investissement étatique, soit au groupe Singapore Press Holdings, dont les dirigeants sont désignés par le ministre des Communications et de l'Information.


Harcèlement juridique


Dans ce paysage, une poignée de sites d’information et de blogs tentent de fournir une information fiable et indépendante aux Singapouriens, mais leurs administrateurs sont régulièrement victimes de harcèlement juridique de la part du gouvernement. 


Ainsi, le blogueur Leong Sze Hian risque toujours deux ans de prison en raison d’une plainte pour diffamation déposée par le Premier ministre Lee Hsien Loong lui-même, parce qu’il a partagé sur sa page Facebook le 6 novembre 2019 un article du site malaisien TheCoverage.my.


En 2018, les autorités ont également tout simplement rejeté une demande exprimée par le site New Narratif de s’enregistrer comme une société de droit singapourien.


Entré officiellement en 2020 dans la “zone noire” du Classement mondial de la liberté de la presse, à savoir une “situation très grave”, Singapour est classé 158e sur 180 pays, en chute de sept places par rapport à 2019.

Publié le
Updated on 19.10.2020

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