En saisissant les journaux, les services de renseignement soudanais orchestrent l’asphyxie financière de la presse
Reporters sans frontières (RSF) dénonce l’impunité sans limite dont jouissent les forces de sécurité soudanaises dans leur censure quotidienne de l’information. Dernière “ligne rouge” dont il ne faut pas parler, une grève d’une ampleur inédite de tous les personnels hospitaliers qui protestent précisément contre les attaques à leur encontre perpétrées par les agents des forces de sécurité.
Ce 10 octobre, les 10 000 copies du journal El Watan ont été saisies par les services de renseignements soudanais (NISS) sans aucune explication. D’après les organisations soudanaises, Journalists for Human Rights, il s’agit de représailles après la publication d’un article sur la grève générale des médecins qui protestent contre le passage à tabac de leurs collègues par les services de sécurité.
La veille, la journaliste Shaza Elshiek était interpellée après la publication d’un article sur la grève. Le 2 octobre 2016, le site d’informations Radio Dabanga rapportait que plusieurs rédacteurs en chef de quotidiens nationaux avaient reçu des appels de la part de l’agence de renseignement, pour les “prévenir” de ne pas franchir cette ligne rouge et de ne pas couvrir la grève.
Ce mouvement national qui touche désormais 46 hôpitaux soudanais, dont 21 dans l’état de Khartoum, vise à protester contre les menaces et la violence dont font l’objet les membres du personnel médical. Ce mouvement a débuté le 9 septembre après que deux médecins ont été passés à tabac dans l’hôpital par des agents des forces de l’ordre.
“Nous condamnons fermement la censure des journaux et les intimidations dont sont victimes les journalistes, dit Reporters sans frontières. Cette notion de “ligne rouge” ne correspond à aucun impératif de sécurité ou de secret-défense. Elle ne sert qu’à empêcher toute critique du gouvernement ou des forces de sécurité en muselant les médias. Ces saisies engendrent en plus une grave pression financière sur les journaux, qui peut leur être fatale.”
Le sujet de la grève n’est bien évidemment pas le seul tabou. Le 3 octobre 2016, l’édition du journal El-Sayha a été saisie par le NISS après la parution d’une série d’articles sur la bonne gouvernance par le président du Reform Now Movement, un mouvement dissident du parti présidentiel, le National Congress Party (NCP).
Le 4 octobre 2016, après la confiscation des 10 000 copies du quotidien El Jareeda, le rédacteur en chef du journal, Ashraf Abdelaziz, avait qualifié de “liquidation directe et méthodique, dans le but de tuer la presse indépendante” la saisie par les services de renseignement. Par exemple, le journal Al-Taghyeer a décidé depuis juillet de suspendre sa publication et a commencé à renvoyer du personnel en raison des grandes pertes financières encourues par les saisies répétées de leurs éditions.
Rappelons enfin que depuis le 27 juillet 2016, le quotidien d’opposition Al-Taghyeer a suspendu ses publications et été forcé de licencier une partie de son équipe après plusieurs saisies par le NISS aux effets dévastateurs pour les finances du journal.
Le Soudan occupe l’une des dernières places (174e sur 180) dans le Classement 2016 de la liberté de la presse établi par RSF.