Des journalistes et des médias basés en Grande-Bretagne menacés par l’ambassadeur iranien

Reporters sans frontières (RSF) dénonce les menaces et les pressions exercées par les services de renseignements du régime de Téhéran sur les journalistes iraniens basés à l’étranger et leurs familles restées au pays, relayées par l’ambassadeur de la République islamique en Grande-Bretagne.

Plusieurs journalistes iraniens travaillant pour des médias internationaux tels que la BBC, Voice of America (VOA,) Radio Farda (Radio Free Europe) ou les deux chaînes privées Iran international et Manoto TV, ainsi que le journal en ligne Kayhan Londres, font l’objet de menaces alors que des membres de leurs familles sont convoqués et intimidés par des agents des services de renseignements des Gardiens de la Révolution. Toujours selon des informations recueillies par RSF, ces menaces peuvent prendre la forme de cyber-attaques, insultes et intimidations, principalement sur les réseaux sociaux.

Depuis septembre 2016, date de la nomination de l’ancien directeur des Affaires politiques et de la sécurité internationale du ministre des Affaires étrangères au poste d’ambassadeur de la République islamique à Londres, Hamid Baeidinejad multiplie les menaces envers les médias et les journalistes sur son compte tweeter. Sous couvert de son immunité diplomatique, l’ambassadeur propage et relaie les accusations des services des sécurités iraniens en utilisant la même rhétorique qu’eux. Il accuse les journalistes d’être des « agents et mercenaires des services étrangers payés par les ennemis du pays qui agissent contre l’intérêt national ». L’ambassadeur a même diffusé sur tweeter une vidéo montrant un journaliste de la BBC en train de couvrir un rassemblement d’iraniens devant l’ambassade en expliquantsqu’il parlait avec un groupe terroriste. Les vidéos et les propos accusateurs sont toujours diffusés en langue persane, jamais en anglais. 

Deux jours après la coupure de tous les accès à internet en Iran pour limiter la circulation d’informations sur la répression des protestations, l’ambassadeur iranien en Grande-Bretagne a réitéré ses menaces contre les journalistes iraniens basés à l’étranger dans un tweet rageur et accusateur : «Le peuple d’Iran n’oubliera jamais ces journées pendant lesquelles des chaînes ennemies comme la BBC, VOA, Manoto et Iran international -subventionnées par l’argent des gouvernements étrangers et du groupe Pahlavi (ndlr : nom de la famille de l’ancien Shah d’lran)- ont mis en danger l’Iran en tentant de représenter les émeutiers, qui sont des assassins et des incendiaires, comme des dissidents politiques. »

Le jour même de la publication de ce tweet, les familles de plusieurs journalistes basés à l’étranger ont été convoquées et menacées par des agents du ministère des Renseignements, qui leur ont dit en substance: « Demandez à vos enfants de cesser de travailler avec les chaînes ennemies. Ce sera bien pour eux et pour vous ! »

Accusés de « collaboration avec des médias ennemis ou d’espionnage » depuis des années, les journalistes prouvent être lourdement condamnés.  Depuis le 1er janvier 2019, RSF a recensé au moins 25 cas de familles convoquées et menacées, le plus souvent par les agents du ministère des Renseignements. Les journalistes menacés préfèrent généralement conserver l’anonymat par peur de subir de nouvelles pressions.

Rares sont ceux qui osent, comme la journaliste de la BBC, Farnaz Ghazizadeh, les dénoncer ouvertement sur son compte twitter : “ Mon père de 73 ans a été convoqué et interrogé par les autorités iraniennes sur les activité journalistiques de ma soeur et moi qui travaillons pour un média basé en dehors de l’Iran. Nos familles sont sous pression, juste parce que nous sommes journalistes”.

Le 22 novembre 2019, l'ambassadeur iranien en Grande-Bretagne a annoncé dans un tweet  que son ambassade avait porté plainte contre la  BBC, Manoto et Iran international , auprès de l’OFCOM, l’organe régulateur des communications du Royaume-Uni, “pour déformation d’informations sur les événement en Iran et appel à la violence massive contre les institutions de l’Etat.” 

Menacer les citoyens et particulièrement les journalistes et médias d’un pays n’est pas dans les attributions d’un ambassadeur”, rappelle RSF qui demande aux autorités britanniques de “surveiller ces agissements menaçants et dangereux pour la liberté de la presse et les journalistes.”

L’Iran se situe à la 170e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2019 de RSF  

 

Publié le
Updated on 26.11.2019