Coronavirus au Zimbabwe : déjà cinq journalistes arrêtés
Le pays s’illustre à ce jour comme celui ayant commis le plus d’atteintes à la liberté de la presse depuis le début la crise sanitaire sur le continent africain. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités de transmettre des directives claires aux forces de l’ordre afin que les journalistes puissent effectuer librement leur travail sans passer par la case prison.
En moins de deux semaines, pas moins de cinq journalistes zimbabwéens ont été arrêtés par la police alors qu’ils couvraient les mesures de confinement décrété le mois dernier par le président Emmerson Mnangagwa. Dernière victime en date : Beatific Ngumbwanda, journaliste de l’hebdomadaire TellZim, arrêté le 8 avril par la police de Chiredzi dans le sud-est du pays. Malgré la présentation d’une carte de presse, la police l’a accusé d’avoir dérogé aux mesures de confinement mises en place pour lutter contre le coronavirus. Détenu pendant près de deux heures, le reporter a finalement été libéré.
Quatre autres journalistes ont été arrêtés dans des conditions similaires en lien avec leur couverture du confinement dans les jours précédents. Nunurai Jena, correspondant de Newsday et Voice of America a été accusé de “trouble à l’ordre public” et d’être en possession d’une carte de presse périmée après avoir filmé des policiers à un barrage routier dans le nord du pays. Tatenda Julius de l’agence de presse New Ziana, les reporters indépendants Kudzanai Musengi et Panashe Makufa - par ailleurs violemment agressé par la police dans la banlieue de Harare, la capitale du pays- ont subi le même sort. La Commission des médias du Zimbabwe (ZMC) a pourtant récemment autorisé les professionnels de l’information à travailler avec leur carte de presse de 2019 jusqu’à l’émission des nouvelles cartes 2020.
“Depuis le début de l’épidémie, le Zimbabwe figure en tête des pays africains qui restreignent de manière abusive et très largement disproportionnée la liberté d’informer” déplore Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Multiplier les arrestations de journalistes ne protège pas de l’épidémie ! Ces atteintes à la liberté de la presse sont également contraires aux directives officielles qui autorisent les journalistes à travailler pendant le confinement et à utiliser leurs accréditations de 2019 dont la validité a été prorogée. Le gouvernement doit donner des directives claires au forces de sécurité afin que ces dernières cessent d’empêcher les journalistes de remplir leur mission d’information qui participe aux efforts de lutte contre l’épidémie”.
Dans un communiqué, l’Institut des Médias d’Afrique australe (MISA-Zimbabwe) rappelle que les médias font partie des secteurs classés comme “services essentiels” autorisés à travailler pendant le confinement total du pays. «Combattons le COVID-19, pas les journalistes ! » a renchéri l’Union des journalistes au Zimbabwe (ZUJ) en interpellant le ministre de l’Information.
RSF a recensé une quarantaine d’ atteintes à la liberté de la presse en Afrique subsaharienne depuis le début de la crise sanitaire, qu’il s’agisse d’arrestations et d’agressions de journalistes ou de mesures très restrictives imposées aux médias. Alors que le Zimbabwe enregistre onze cas de Covid-19 et trois décès, le pays cumule à ce jour le plus grand nombre d’exactions contre les journalistes dans la région, la plupart commises par des éléments des forces de sécurité.
Le Zimbabwe occupe la 127e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.