Commission européenne : autant d’inquiétudes que d’avancées pour la liberté de la presse dans le nouveau collège

Au sein de la nouvelle Commission européenne, Reporters sans frontières (RSF) salue la désignation d’une Vice-présidente chargée notamment de la liberté de la presse mais s’inquiète de la nomination, pour le portefeuille de l’élargissement, de l’ancien ministre de la justice de Viktor Orban. RSF demande au Parlement européen de bloquer sa nomination.

La future présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a  dévoilée mardi 10 septembre, sa nouvelle équipe. Elle a attribué la politique de voisinage et l’élargissement au commissaire désigné par la Hongrie, László Trócsányi, et ancien ministre de la justice de Viktor Orban. 

“Comment peut-on croire que László Trócsányi veillera au respect de l’Etat de droit, de la liberté de la presse et du pluralisme des médias dans les pays candidats alors qu’il est l’artisan de la dérive illibérale de son pays ? dénonce Julie Majerczak, la représentante de RSF auprès des institutions européennes. Ce choix fait s’interroger sur la réelle volonté de la Commission de promouvoir l’Etat de droit, les droits de l’homme et la liberté de la presse au sein de l’UE et dans les pays tiers.”  

RSF demande aux parlementaires européens de refuser que ce portefeuille aille dans les mains du commissaire hongrois. Les eurodéputés doivent auditionner chaque commissaire désigné à la fin du mois. 

RSF se félicite néanmoins que les questions liées à la liberté de l’information soit au cœur des responsabilités de la Vice-présidente de la Commission européenne chargée des valeurs et de la transparence, Vera Jourova. 

Dans sa lettre de mission, la future patronne de la Commission, Ursula von der Leyen, affirme sa volonté de donner un nouvel élan à la démocratie européenne et précise que la lutte contre la désinformation ainsi que la défense du pluralisme des médias sont parmi ses principales priorités.


« C’est un signal positif de voir la liberté de la presse et le pluralisme des médias mis en avant par la future présidente de la Commission, déclare la représentante de RSF auprès de l’UE, Julie Majerczak. Dans le cadre de la campagne des élections européennes, RSF avait formulé 10 propositions pour que l’UE fasse de l’information libre et indépendante une priorité pour les cinq ans à venir. Nous attendons maintenant que ce début prometteur dans l’architecture de la nouvelle Commission se traduise en actions concrètes. Et nous serons vigilants. »

 

Ce portefeuille des valeurs et de la transparence a été confié à la commissaire désignée par la République tchèque, Vera Jourova. Elle est actuellement chargée de la justice dans la Commission présidée par Jean-Claude Juncker et dont le mandat prend fin le 31 octobre 2019. RSF lui demande de faire preuve d’autant d’indépendance et d’intégrité dans ses prochaines fonctions que dans ses fonctions actuelles. 

 

Pour défendre efficacement la liberté de la presse, l’indépendance et le pluralisme des médias dans une Europe où les exactions à l’encontre les journalistes se multiplient, RSF plaide pour un examen périodique du respect de la liberté de la presse dans tous les Etats membres, sur la base d’un rapport indépendant, qui puisse déboucher sur des recommandations par pays et d’éventuelles sanctions en cas de graves violations.

 

En cas de violation grave des droits fondamentaux – en particulier lorsqu’il s’agit d’atteintes à l’intégrité physique de journalistes – RSF propose également que les ONG et les défenseurs de la liberté de la presse puissent saisir en urgence la Commission européenne pour qu’elle intervienne au plus vite auprès des autorités nationales compétentes.

 

Afin de lutter contre le phénomène des fausses informations, RSF considère que la priorité doit être donnée à la fiabilité des contenus plutôt qu’à une politique répressive, difficilement applicable et dangereuse pour la liberté d’expression. Dans cette optique, RSF invite l’Union européenne à reconnaître et soutenir le projet “Journalism Trust Initiative”, qui permet de distinguer l’information fiable, grâce à une série d’indicateurs portant sur la transparence des médias, l’indépendance éditoriale, la mise en œuvre de méthodes journalistiques et le respect des règles déontologiques.

 

Pour mieux protéger l’espace public mis en danger par les trolls, ces mercenaires de l’information en ligne mis en place par des régimes autoritaires, et l'accélération de la diffusion des informations manipulatoires, RSF encourage parallèlement les pays européens à soutenir au plus vite l’initiative “Information & Démocratie” lancée par l’organisation en novembre 2018 et qui est déjà soutenue par une vingtaine d’Etats démocratiques. 

 

RSF plaide par ailleurs pour la création d’un nouveau cadre législatif permettant de responsabiliser les plateformes numériques qui manquent à leurs obligations face aux violations de la liberté d’opinion et d’expression qui sévissent sur internet. 

 

Enfin, RSF préconise que l’Union européenne se dote de pouvoirs de sanctions ciblées et individuelles contre les auteurs de violations graves de la liberté de la presse et de la sécurité des journalistes dans les pays tiers, sur le modèle du “mécanisme Magnitsky” en vigueur notamment aux Etats-Unis.

 

RSF invite les eurodéputés à interroger les commissaires-désignés sur ces sujets lors de leur audition au Parlement européen à la fin du mois, en particulier Vera Jourova, mais également Margrethe Vestager pour le numérique et la concurrence, Didier Reynders pour la justice, Sylvie Goulard pour le marché intérieur du numérique ainsi que le Haut Représentant pour les affaires étrangère et la politique de sécurité, Josep Borrell Fontelles.

 

Une fois les commissaires auditionnés, les eurodéputés doivent investir la Commission européenne dans son ensemble lors d’un vote en session plénière prévu le 23 octobre prochain. .

Publié le
Mise à jour le 16.09.2019