Colombie : RSF, FLIP et APIC dénoncent de graves faits de violences contre le photographe Andrés Cardona de la part des forces de l’ordre et exigent que le gouvernement enquête et répare les dommages subis

Reporters sans frontières (RSF), la Fondation pour la liberté de la presse (FLIP) et l’Association de presse internationale de Colombie (APIC) alertent de nouveau sur l’absence de protection par l'État colombien des journalistes qui couvrent la vague actuelle de manifestations en Colombie. Les attaques qui menacent la santé et la vie des reporters, ainsi que l’impunité dont elles bénéficient, ont un effet dissuasif sur la liberté d’informer.

Le 28 juillet, le reporter et photographe Andrés Cardona a été grièvement blessé lorsque la police anti-émeute de l’ESMAD a tiré une grenade lacrymogène sur lui alors qu’il couvrait une manifestation dans le quartier de Usme, à Bogota. La capitale colombienne compte déjà plus de 80 journalistes victimes d’agressions au cours des récentes manifestations malgré les discussions engagées entre la mairie et les agents de police pour désamorcer l’escalade de violence à leur encontre. 


Ce n’est pas la première fois que le photographe colombien, dont les blessures l’empêchent de travailler, est agressé par la police alors qu’il couvre des manifestations. La Fondation pour la liberté de la presse (FLIP) et RSF ont documenté deux précédents cas de violence physique à son encontre, dont un où Andrés Cardona – pourtant identifiable avec un casque et un gilet presse – a dû consulter un médecin après qu’un policier l’ait frappé à la tête avec son arme


Ces attaques ont aggravé la situation compliquée dans laquelle se trouve le photographe depuis des années. Harcelé, menacé et épié illégalement, il a dû quitter la Colombie pour assurer sa sécurité. Jusqu’à présent aucune réponse concrète n’a été apportée par l’Etat colombien pour garantir la sécurité et le travail du journaliste.


RSF, la FLIP et l’Association de presse internationale de Colombie (APIC) rejettent catégoriquement la poursuite des violences policières à l’encontre des médias, contraire à leur devoir de protéger et garantir la liberté de la presse dans le pays. 


Les trois organisations exigent que les autorités colombiennes respectent leurs obligations internationales en matière de droits de l’homme, et que le bureau du procureur et la police mènent une enquête rapide et impartiale sur l’attaque violente contre Andrés Cardona, conforme aux normes minimales d’enquête sur les crimes de violence contre les médias. Les responsables doivent être punis et les autorités doivent veiller à ce que le photographe réparation pour les dommages subis. 


RSF, la FLIP et l’APIC réitèrent également leur inquiétude quant au peu de protection accordée par l’Etat colombien aux reporters qui couvrent les manifestations. Il est inexplicable que, compte tenu du niveau  de violence sans précédent, les autorités ne prennent pas de mesure pour freiner les abus de la police sur les journalistes. Avec le soutien de RSF, la FLIP a recensé 314 attaques -- dont 62,5% imputées à la police -- et 388 victimes au total. 


Le cas d’Andrés Cardona fait partie d’un total de 114 cas de journalistes qui, au cours des trois derniers mois, ont été agressés physiquement par la police alors qu’ils étaient en reportage. Les médias sont l’une des principales victimes de l’usage excessif de la force par la police lors des manifestations, un problème ignoré par les autorités, dont le silence et l’inaction les rendent complices. 


Tant que cette grave situation perdurera en Colombie, tant que les autorités censées garantir les conditions de la liberté de la presse continueront à leur rôle et à se comporter comme le principal agresseur de la presse et tant qu’elles continueront à ne pas adopter les mesures structurelles nécessaires pour mettre définitivement fin à cette violence, les organisation internationales doivent continuer à s’exprimer et à exiger que l’État colombien respecte ses obligations en matière de droits de l’homme. 


RSF, la FLIP et l’APIC exhortent la communauté internationale à répondre à la saisine que RSF et la FLIP ont adressé en mai 2021 au secrétariat général des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, au rapporteur spécial des Nations unies sur le droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, au Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies, au rapporteur spécial sur la liberté d’expression de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) de l’Organisation des État interaméricains (OEA) et à l’Unesco. 


La Colombie occupe la 134e place sur 180 pays au classement de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

Publié le
Mise à jour le 11.08.2021