Cinq journalistes indépendants convoqués par la police: " Il faut éviter une nouvelle répression contre la presse"

Le 7 janvier 2010, cinq journalistes indépendants ont été convoqués dans les locaux du procureur de Tachkent pour fournir des "aveux" sur leurs activités professionnelles. Par ailleurs, le 8 janvier, deux autres journalistes ont eu affaire aux autorités. Alexey Volosevitch a été convoqué au parquet et, Andrey Kudryashov, a eu une "conversation" avec le responsable des médias du ministère des Affaires étrangères (qui gère les accréditations). "La communauté internationale, qui a déjà fait de trop nombreuses concessions aux autorités ouzbèkes, doit se mobiliser pour protéger les quelques journalistes indépendants que le pays compte encore, et s'efforcer de prévenir une nouvelle vague de répression" a déclaré Reporters sans frontières. "Au moins dix journalistes coupables seulement d'avoir exercé leur profession se trouvent derrière les barreaux en Ouzbékistan, certains pour de très longues peines. Peut-on raisonnablement dire que la situation des droits de l'homme dans cette dictature s'est améliorée ? Doit-on transiger avec les principes pour accéder aux ressources énergétiques du pays ? Il existe des alternatives et l'Europe ne doit pas abandonner la défense des droits de l'homme", a déclaré Reporters sans frontières. Marina Kozlova, Sid Yanishev (Said Abdurahimov), Khusnutdin Kutbetdinov, Abdumalik Babaev et Vasiliy Markov ont été "invités" par l'assistant du procureur de la capitale, Bakhrom Nurmatov, à se présenter devant ce dernier, afin de rendre compte de leurs activités journalistiques. Deux d'entre eux ont refusé de se déplacer en l'absence de convocation officielle. Le procureur a déclaré que les journalistes avaient été convoqués pour "clarifier les circonstances de leurs activités professionnelles." Il disposait de dossier pour chacun des journalistes, contenant selon ses dires des informations rassemblées par les services de la sécurité nationale et par le ministère des Affaires étrangères. La majorité des questions ont porté sur les soutiens financiers que les journalistes auraient reçu des l'étranger, de la part de confrères ou d'organisations. Selon les témoignages recueillis par Reporters sans frontières, le procureur disposait d'un dossier sur chacun des journalistes. Bakhrom Nurmatova a également qualifié certains articles imputés aux journalistes de "biaisés et tendancieux, et portant atteinte à la dignité du gouvernement ouzbek". Malgré le fait que les journalistes soient repartis libres du parquet, les spécialistes de l'Ouzbékistan contactés par Reporters sans frontières ne cachent pas leur inquiétude. Marcus Bensmann, journaliste indépendant travaillant sur l'Asie centrale et l'Ouzbékistan, voit dans ces convocations les prémisses d'une nouvelle, et peut-être dernière, vague de répression dans le but de "détruire une fois pour toutes, ce qui reste de presse indépendante dans le pays". Un avis partagé par Galima Bukharbayeva, rédactrice en chef du site d'informations Uznews. Marcus Bensmann poursuit : "les autorités, s'appuyant sur leurs relations avec l'Europe, notamment l'Allemagne, et avec les Etats-Unis dont elles soutiennent les opérations de lutte contre le terrorisme en Afghanistan, se sentent a priori en position de force. Il est peu probable qu'elles soient enclines à faire preuve de tolérance face aux journalistes et aux défenseurs des droits de l'homme." Sous couvert d'anonymat, un collaborateur d'un média étranger en Ouzbékistan a confié son analyse à Reporters sans frontières : "Les autorités ont l'intention de se servir de la nécessaire 'obtention d'une accréditation pour exercer le contrôle le plus étroit possible sur les derniers journalistes indépendants." La législation ouzbèke contraint les employés de médias étrangers à obtenir une accréditation auprès du ministère des Affaires étrangères ouzbek. Mais parallèlement, depuis 2005 et la répression dans le sang du soulèvement d'Andijan, ce même ministère a retiré leurs accréditations aux plus grands médias internationaux, tels que la BBC, l'agence Reuters,dont les représentants ont été forcés de quitter le pays. La liberté d'expression et celle de la presse sont constamment violées en Ouzbékistan et une nouvelle vague de répression décimerait une communauté journalistique déjà largement éprouvée. A l'heure actuelle, au moins dix journalistes (Solidzhon Abdurakhmanov, Djamshid Karimov, Sayid Dilmurod, etc), ainsi que l'écrivain Jusuf Djuma, sont emprisonnés en Ouzbékistan. La photographe et documentariste Umida Akhmedova est également dans la ligne de mire de la justice. Malgré un bilan désastreux en matière de protection des droits de l'homme, l'Union européenne a levé, le 27 octobre 2009 les dernières sanctions (embargo sur les ventes d'armes) pesant contre le régime autocratique du président Islam Karimov et qui avaient été votées après les massacres d'Andijan. Plus d'information sur la situation des médias en Asie centrale sur le blog Journalists in trouble de RFE/RL
Publié le
Updated on 20.01.2016