Cameroun : RSF demande l’évacuation sanitaire d’Amadou Vamoulké
Après plus de trois ans de détention et alors que la santé de l’ancien directeur général de la radiotélévision publique camerounaise se dégrade, deux rapports médicaux certifient que le journaliste doit effectuer des examens poussés qui ne peuvent être réalisés dans son pays. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités de le libérer et de l’évacuer afin qu’il puisse être soigné.
La justice camerounaise va-t-elle laisser Amadou Vamoulké mourir à petit feu derrière les barreaux de la prison centrale de Kondengui à Yaoundé? Alors que l’ancien directeur général de la Cameroon Radio Television (CRTV) doit se présenter lundi 16 septembre pour la 22e fois devant le Tribunal criminel spécial qui le juge pour des crimes économiques jamais établis par l’accusation après plus de trois ans de procédure, RSF a eu accès à deux rapports médicaux dont les conclusions sont unanimes.
Le premier, réalisé par l’hôpital central de Yaoundé, recommande “une évacuation dans un centre spécialisé” justifiée selon les médecins par “un plateau technique limité et la sévérité de l’affection neurologique” dont souffre le journaliste. Une analyse et des recommandations partagées par l’hôpital américain de Paris à qui le dossier médical d’Amadou Vamoulké a été transmis pour avis. Dans le certificat consulté par RSF, le professeur et neurologue Hervé Taillia, estime que l’homme de 69 ans présente “un tableau déficitaire des deux membres, sévère et évolutif” qui nécessite des examens et des traitements “qui semblent difficiles à réunir sur place”. Il recommande une “hospitalisation en France”.
“Va-t-il falloir attendre un drame pour que le calvaire subi par ce journaliste qui n’a toujours pas été jugé plus de trois ans après son arrestation prenne fin? Les rapports médicaux sont sans équivoque : Amadou Vamoulké doit être évacué pour être soigné, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Nous demandons aux autorités camerounaises de ne pas laisser mourir à petit feu l’un des plus éminents journalistes de leur pays derrière les barreaux d’une prison”.
L’ancien dirigeant de la CRTV qui avait été nommé par le président Paul Biya à la tête de la radiotélévision publique camerounaise en 2005, a été arrêté en juillet 2016. Il est officiellement accusé d’avoir détourné plusieurs millions d’euros au seul profit de la CRTV. Des accusations qui n’ont jamais été établies depuis le début de son procès malgré 21 audiences.
Amadou Vamoulké était le seul journaliste africain nominé cette année pour le prix RSF de la liberté de la presse. Fervent militant de l’ouverture du marché de l’audiovisuel au nom du pluralisme et de la dépénalisation des délits de presse dans son pays, il fut également le premier président de l’Union des journalistes du Cameroun.
En mars, RSF avait adressé une lettre ouverte au président Paul Biya pour lui demander de mettre fin à la détention du journaliste.
En février, une dizaine de parlementaires français avaient de leur côté écrit au président de la République Emmanuel Macron et au ministère des Affaires étrangères pour dénoncer cette “détention politique”. Dans sa réponse, le cabinet du ministère avait reconnu que l’accusation “n’avait pas apporté la preuve de la pertinence de son action” et annoncé qu’elle suivrait “avec la plus grande attention” les conclusions du groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire saisi quelques semaines plus tôt par RSF. Notre organisation avait notamment souligné à travers cette démarche que le tribunal qui juge Amadou Vamoulké avait largement dépassé les neuf mois maximum au cours desquels il est censé rendre une décision.
Le Cameroun occupe la 131e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.