Cameroun : Paul Chouta, bientôt deux ans de prison pour diffamation

Alors que le délibéré du procès du journaliste Paul Chouta, accusé de diffamation et de diffusion de fausses nouvelles, doit avoir lieu le 6 mai 2021, Reporters sans frontières (RSF) demande sa libération après deux ans de détention abusive.

Paul Chouta, reporter pour le média en ligne Cameroun Web et célèbre lanceur d’alerte camerounais, est détenu depuis le 28 mai 2019 après une plainte déposée par la romancière Calixthe Belaya, pour diffamation et diffusion de fausses nouvelles. Elle l’accuse notamment d’avoir publié, sans son autorisation, une vidéo sur Internet où elle prend part à une altercation avec un homme. Le procès du journaliste a déjà fait l’objet de 26 audiences… Une procédure et une détention provisoire particulièrement longues pour une vidéo qui ne dure que quelques minutes. D’autant que le journaliste a déjà atteint voire dépassé la peine maximum qu’il encourt pour les charges qui sont retenues contre lui. En effet, Paul Chouta risque six mois de prison selon le Code pénal et jusqu’à deux ans selon la loi sur la cybercriminalité en vigueur dans le pays.


Le journaliste est actuellement incarcéré à la prison principale de Yaoundé, réservée aux auteurs des crimes les plus graves. Il a pour voisins de cellule des personnes accusées de terrorisme, de liens avec Boko Haram ou avec le mouvement séparatiste des régions anglophones du Cameroun. En mai 2020, il avait reçu un traitement contre la Covid-19 après avoir présenté des symptômes du virus qui circule activement dans les prisons camerounaises.


Il y a un décalage abyssal entre les faits qui sont reprochés à ce journaliste et le traitement qui lui est réservé depuis deux ans, dénonce le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Le fond de cette affaire aurait pu être examiné depuis bien longtemps. Qu’est ce qui peut justifier aujourd’hui qu’il continue à être incarcéré si ce n’est la volonté d’écarter un journaliste qui dérange? Nous demandons sa libération.”


Avant son incarcération, le journaliste était déjà régulièrement la cible de menaces pour ses reportages critiques du pouvoir, précise Emmanuel Vitus, le directeur de publication de Cameroun Web joint par RSF. En janvier 2019, quelques mois avant son arrestation, il avait même été agressé au couteau par trois individus qui demeurent non identifiés par les autorités à ce jour. Des membres de son entourage proche ont, à la suite de son arrestation, également subi des tentatives d’intimidation répétées de la part de la police. 


Au Cameroun, les arrestations arbitraires de journalistes demeurent fréquentes et peuvent donner lieu à de longues périodes d’incarcération. Amadou Vamoulké, ancien directeur de la Cameroon Radio Television (CRTV) âgé de 71 ans, est détenu depuis près de cinq ans sans avoir été jugé à la prison centrale de Kondengui où, tout comme à la prison principale de Yaoundé, le virus de la Covid-19 circule, sans qu’aucune mesure ne soit prise pour protéger sa santé fragile. Le journaliste Emmanuel Mbombog Mbog Matip, arrêté en août 2020 et accusé de diffusion de fausses nouvelles, est également détenu de manière arbitraire. Alors que son placement en détention provisoire, fixé pour une durée initiale de six mois, s’est achevé le 7 mars dernier, le journaliste est toujours emprisonné. 


Le Cameroun occupe la 134e place sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF. 

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Mise à jour le 20.04.2021