Cameroun : le journaliste Paul Chouta condamné à 23 mois de prison ferme pour une vidéo

Incarcéré depuis deux ans dans l’attente d’un jugement, Paul Chouta vient d’être condamné à une peine de 23 mois d’emprisonnement ferme et à verser une amende de plusieurs millions de francs CFA. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une condamnation extravagante et abusive qui porte gravement atteinte à la liberté de la presse.

Après pas moins de 27 renvois, la décision du juge dans le procès de Paul Chouta a finalement été rendue ce 18 mai. Le reporter pour Cameroun Web et lanceur d’alerte critique du pouvoir, contre qui la romancière Calixthe Belaya avait porté plainte pour diffamation et diffusion de fausses nouvelles, a été condamné à 23 mois de prison ferme et à payer 160 000 francs CFA, ainsi que deux million de francs CFA de dommages (environ 3 200 euros en tout). Paul Chouta était notamment accusé d’avoir diffusé sur internet une vidéo de la romancière prenant part à une altercation avec un homme sans avoir obtenu son autorisation. Cette vidéo de quelques minutes lui a valu de passer deux ans en détention provisoire, la peine maximum qu’il est possible d’encourir pour les charges retenues contre lui. 


Si le journaliste a déjà purgé la peine de prison à laquelle il vient d’être condamné, il lui faudra lever les fonds nécessaires pour payer l’amende et enfin pouvoir sortir de la prison principale de Yaoundé où il est incarcéré, d’habitude réservée aux auteurs des crimes les plus graves. 


Non seulement Paul Chouta a enduré une procédure judiciaire et une période de détention interminables, mais il est à présent contraint de verser une somme exorbitante pour enfin pouvoir sortir de prison, déclare RSF. Cette condamnation vient conclure une affaire rocambolesque. Rien ne peut justifier une détention aussi longue et une telle décision finale, si ce n’est une volonté de faire taire une voix qui dérange. Nous appelons la justice camerounaise à prendre sans délai des mesures résolues pour le respect de la liberté d’information et à s’assurer que les journalistes aient droit à un traitement judiciaire équitable dans le pays.” 


Avant son incarcération, le journaliste était déjà régulièrement la cible de menaces pour ses reportages critiques du pouvoir. En janvier 2019, quelques mois avant son arrestation, il avait même été agressé au couteau par trois individus non identifiés. Des membres de son entourage proche ont, à la suite de son arrestation, également subi des tentatives d’intimidation répétées de la part de la police. 


Plusieurs journalistes sont actuellement incarcérés au Cameroun, où la situation de la liberté de la presse ne cesse de se dégrader au fil des années. Amadou Vamoulké, ancien directeur de la Cameroon Radio Television (CRTV) âgé de 71 ans, est détenu depuis près de cinq ans à la prison centrale de Kondengui, sans avoir été jugé. Le journaliste Emmanuel Mbombog Mbog Matip, arrêté en août 2020 et accusé de diffusion de fausses nouvelles, est également détenu de manière arbitraire et vient d’annoncer une grève de la faim qui doit commencer le 20 mai prochain. 


Le Cameroun occupe la 135e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

Publié le
Mise à jour le 19.05.2021