Blocage de YouTube : la cybercensure atteint de nouveaux pics à l'approche des élections

Le 27 mars 2014, la Haute instance des télécommunications (TIB) a fait bloquer l'accès à YouTube en Turquie. Cette décision administrative a été prise le jour même, « à titre préventif », sans décision de justice. La censure de YouTube intervient juste après la publication, sur la plate-forme, de l'enregistrement d'une conversation attribuée à l'ancien ministre des Affaires étrangères, au directeur du service de renseignements (MIT) et à d'autres officiels de haut rang, concernant une possible opération militaire turque en Syrie. Cet enregistrement est le dernier en date d'une longue série d'écoutes compromettantes pour le gouvernement, publiées ces dernières semaines sur les réseaux sociaux. « Moins d'une semaine après le blocage de Twitter, YouTube est à son tour victime d'une censure politique qui s'intensifie jour après jour à l'approche des élections municipales. Les récents amendements à la loi sur Internet ont malheureusement fourni aux autorités toutes les armes nécessaires pour la mener à bien. Il est consternant d'avoir à rappeler une nouvelle fois la disproportion abyssale de telles mesures et l'illégitimité d'instances administratives pour les prononcer. Nous appelons la TIB à lever sans délai le blocage de Twitter et YouTube », déclare Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. La décision de la TIB a immédiatement été appliquée par les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) et les opérateurs d’accès 3G. « Il n'y a aucun problème technique de notre côté », a confirmé à Reporters sans frontières un porte-parole de la société Google Inc, propriétaire de YouTube. Seuls les internautes qui modifient leurs réglages DNS ou utilisent des VPN ont actuellement accès à YouTube. YouTube avait déjà été censuré en Turquie de 2008 à 2010 en raison de vidéos qui avaient été jugées « attentatoires à la mémoire de Mustafa Kemal Atatürk », fondateur de la République turque en 1923.

Twitter : la levée du blocage ordonnée mais pas encore effective

Faisant droit à une requête du barreau d'Ankara et de l'Union des Barreaux de Turquie (TBB), la 15e chambre du tribunal administratif d'Ankara a ordonné le 26 mars la levée du blocage de Twitter, jugé « contraire à l'Etat de droit ». Toutefois, le site reste pour l'heure totalement inaccessible. Les récents amendements à la loi sur Internet ne laissent que quelques heures pour bloquer les sites incriminés, mais accordent à la TIB trente jours pour les débloquer. La société Twitter a par ailleurs introduit un recours contre le blocage de la plate-forme. Selon elle, deux des décisions de justice avancées à l'appui de cette décision ne lui avaient jamais été notifiées. Elles visaient deux comptes Twitter que la société aurait accepté de fermer si on lui en avait fait la demande. Twitter conteste en revanche une troisième décision de justice, concernant le compte @oyyokhisiza (Pas de vote pour le voleur), utilisé à l'encontre de l'ancien ministre des Transports Binali Yildirim. Tout en rendant ce compte temporairement inaccessible en Turquie, la compagnie a déclaré être préoccupée par cette demande : « les contenus politiques, et en particulier les allégations de corruption, sont d'une grande importance », a-t-elle expliqué. Le recours de Twitter contre cette décision a été rejeté le 27 mars par un tribunal de police d'Istanbul, qui l'a cependant transféré à un tribunal correctionnel pour avis. Lire aussi: "Climat malsain pour la presse à une semaine des élections" (22.03.2014)
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Updated on 20.01.2016