Birmanie : un journaliste accusé de diffamation pour avoir évoqué les discours haineux d’un moine extrémiste
Une figure du journalisme birman, Swe Win, est appelé à comparaître ce lundi devant la justice. Poursuivi en vertu de la très controversée loi sur les télécommunications, il est accusé d’avoir diffamé un moine bouddhiste intégriste connu pour ses violents discours islamophobes.
Accusé de diffamation par un fidèle du moine intégriste U Wirathu, le rédacteur en chef du site d’information Myanmar Now, Swe Win, a été arrêté le 30 juillet à l’aéroport de Rangoon alors qu’il se rendait à Bangkok pour travailler. Il a pu être libéré provisoirement après le versement d’une caution et doit de nouveau comparaître devant la justice ce lundi 4 septembre.
Le journaliste est poursuivi depuis mars 2017 pour avoir, selon son accusateur, porté atteinte à l’image du leader du groupe nationaliste bouddhiste Ma Ba Tha (Association pour la protection de la race et de la religion), Ashin Wirathu. Dans un post Facebook, Swe Win expliquait que le moine intégriste avait violé le code monastique en tenant des propos violents et haineux contre les Rohingyas, la minorité musulmane du pays, reconnue par l’ONU comme la communauté la plus persécutée au monde.
“Il est incompréhensible qu’un journaliste puisse être poursuivi pour diffamation alors qu’il n’a fait que rapporter des faits avérés, documentés et connus de tous, bien au-delà même des frontières de la Birmanie” dénonce RSF.
Le moine Wirathu est tristement célèbre dans le monde entier pour ses diatribes attisant la haine raciale et religieuse. En mars dernier, les autorités religieuses bouddhistes l’ont d’ailleurs elles-mêmes interdit de sermon pendant un an pour ses propos haineux et islamophobes envers les Rohingyas, rappelle RSF, qui fait également part son inquiétude, compte tenu du contexte sensible dans lequel se déroule l’audition du journaliste. Les combats entre l’armée birmane et les combattants rohingyas viennent de faire plus de 400 morts et près de 90.000 réfugiés en une semaine.
“Le cas de Swe Win illustre parfaitement les imperfections de l’article 66(d) de la loi sur les télécommunications et l’urgence de supprimer des dispositions qui, sous couvert d’empêcher la diffamation, s’avèrent être de puissants outils de censure”, déclare RSF, qui appelle également les autorités birmanes à abandonner au plus vite les poursuites qui pèsent contre le rédacteur en chef de Myanmar Now, comme elles viennent de le faire pour six autres journalistes, ce dont RSF se félicite.
L’armée a en effet annoncé le 1er septembre dernier l’abandon des plaintes déposées contre six journalistes birmans, expliquant que les militaires et les médias locaux “partageaient la même cause et travaillaient dans l’intérêt du pays et de sa population”, et devraient donc pouvoir continuer à coopérer. Lawi Weng, dit Thein Zaw, reporter pour The Irrawaddy, ainsi que Aye Nai et Pyae Phone Aung, de l’agence Democratic Voice of Burma, étaient détenus depuis plus de deux mois pour avoir rencontré un groupe armé rebelle lors d’un reportage. Kyaw Min Swe et British Ko Ko Maung du journal The Voice Daily, ainsi que Wai Phyo, rédacteur en chef d’Eleven Media, étaient quant à eux poursuivis pour diffamation après avoir écrit un article satirique et dénoncé des faits de corruption.
Malgré ses récents amendements, la loi sur les télécommunications, et notamment son article 66(d), demeure un outil de censure efficace contre quiconque oserait critiquer les institutions gouvernementales. Au total, au moins 67 cas de poursuites liées à cet article ont été recensés depuis son adoption en 2013, dont 14 journalistes et notamment deux reporters de Mizzima et Democratic Voice of Burma.
La Birmanie occupe la 131ème place sur 180 dans le Classement mondial pour la liberté de la presse 2017 établi par RSF.