Birmanie : un an après leur arrestation, quelles chances les journalistes de Reuters ont-ils d’être libérés ?

L’audience en appel des reporters de Reuters, condamnés à sept ans de prison, est fixée au 24 décembre. De retour de mission dans le pays, RSF fait le point sur les scénarios possibles en vue de leur libération, un an après leur arrestation.

Tout, sur le fond du dossier, plaide en faveur de leur innocence. Cela fait pourtant un an que les journalistes de Reuters Wa Lone et Kyaw Soe Oo croupissent derrière les barreaux. Arrêtés le 12 décembre 2017, condamnés en septembre à sept ans de prison, les deux reporters payent le prix de leur professionnalisme, dans cette affaire marquée par une parodie de procédure judiciaire. Après que leur avocat a interjeté appel le mois dernier, une première audience devant le tribunal de seconde instance est prévue le 24 décembre prochain.


“Nous appelons la justice birmane à affirmer son indépendance en mettant fin à l’aveuglement dont elle a fait preuve en première instance, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Un an après leur arrestation, il apparaît de façon cruelle que les journalistes de Reuters ne sont que les victimes collatérales des sombres intrigues qui hantent le pouvoir birman. Quel crédit peut-on encore accorder à la transition démocratique dans le pays lorsque l’institution judiciaire bafoue aussi grossièrement la liberté de la presse ? ”


Empressement inattendu


Au fil de cette affaire, l’acharnement avec lequel l’appareil policier, judiciaire et politique a poursuivi Kyaw Soe Oo et Wa Lone a rapidement été perçu comme un gage, apporté par le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi, aux militaires et aux milieux fondamentalistes bouddhistes, dans le cadre de la répression de la minorité musulmane rohingya.


Toutefois, la relative rapidité avec laquelle la justice birmane a traité leur appel, déposé le 5 novembre, relance les spéculations quant au sort que pourraient leur réserver les autorités du pays. Selon des informations recueillies par RSF, le président de la République, Win Myint, un proche d’Aung San Suu Kyi, pourrait en effet accorder une grâce aux deux journalistes de Reuters à l’occasion du Nouvel An birman, en avril prochain - une tradition dans le pays. Pour cela, il convient que tous les recours soient épuisés en appel, ce qui expliquerait cet empressement inattendu.


Message glaçant


Dans cette hypothèse, le pouvoir civil pourrait in fine faire montre de sa clémence, tout en confirmant la condamnation des journalistes, permettant ainsi aux milieux militaires et nationalistes de préserver la face. Un scénario selon lequel Wa Lone et Kyaw Soe Oo retrouveraient certes leur famille, mais qui enverrait un message glaçant aux autres journalistes qui voudraient faire leur travail en toute indépendance : voilà ce qu’il vous en coûtera si vous osez enquêter sur les sujets interdits.


Avec la dégradation de trois des sept indicateurs - indépendance, transparence et autocensure - utilisés pour évaluer la situation de la liberté de la presse en Birmanie, RSF a émis en octobre dernier une “procédure d’alerte” sur sa place au Classement mondial de la liberté de la presse, craignant une évolution négative en 2019. Le pays est y actuellement situé en 137ème position sur 180 pays.

Publié le
Updated on 10.01.2019