Après les Jeux européens de Bakou, la répression reprend de plus belle. Le 30 juin 2015, quatre journalistes de la chaîne en ligne
Meydan TV se sont vus notifier leur interdiction de quitter le territoire azerbaïdjanais.
Natig Javadli,
Elnur Mukhtarov,
Ayten Alekperova et
Shirin Abbasov ont été refoulés à la frontière entre l’Azerbaïdjan et la Géorgie. Ils n’ont toujours pas reçu
d’explication. Cet incident intervient quelques jours après qu’
Emin Milli, directeur de la chaîne exilé en Allemagne, a reçu des menaces émanant des plus hautes autorités du pays.
“
Nous craignons vivement que cette pression croissante ne soit le signe avant-coureur d’une nouvelle vague de répression contre l’équipe de Meydan TV, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’est et Asie centrale de RSF.
Furieuses d’avoir échoué à masquer leurs violations massives des droits de l’homme par le plan de communication des Jeux européens, les autorités semblent vouloir faire de la chaîne un de leurs boucs émissaires. L’attention de la communauté internationale ne doit pas se relâcher maintenant que les projecteurs s’éloignent de l’Azerbaïdjan, bien au contraire : elle doit faire comprendre au régime d’Ilham Aliev qu’elle suit d’un oeil attentif les développements de la situation.”
Meydan TV, une chaîne de référence
Fondée en exil en 2013 alors qu’une vague de répression sans précédent commençait à s’abattre sur la société civile azerbaïdjanaise,
Meydan TV s’est rapidement imposée comme un média de référence. Cette plateforme d’information indépendante propose des investigations, analyses et reportages qui contrastent singulièrement avec le paysage médiatique verrouillé du pays. D’autant plus qu’elle met particulièrement l’accent sur la corruption et les violations des droits de l’homme.
En octobre 2013, la chaîne avait
révélé que les résultats de l’élection présidentielle avaient été déterminés à l’avance dans une application informatique développée par la Commission électorale centrale. Lors des Jeux européens, en juin 2015,
Meydan TV a dévoilé à plusieurs reprises des informations embarrassantes pour les autorités, comme le grave accident d’athlètes autrichiennes ou la prestation d’un
faux touriste britannique chantant les louanges de l’Azerbaïdjan dans une interview à une chaîne de télévision progouvernementale.
Sérieuses menaces à l’encontre de deux journalistes
Le fondateur de
Meydan TV, Emin Milli, s’est exilé en Allemagne en 2012 après un an et demi d’
emprisonnement arbitraire. Depuis l’attribution à Bakou des premiers Jeux européens, il a donné de nombreuses interviews sur la corruption liée à cet événement et la façon dont les autorités s’en servaient pour tenter de redorer leur image internationale et masquer la situation catastrophique des droits de l’homme. Le 26 juin, un intermédiaire proche du ministre des Sports
a fait parvenir au journaliste un message lui promettant que “l’Etat le punirait, où
(qu’il soit), pour la campagne de dénigrement” qu’il aurait orchestrée. RSF prend ces menaces extrêmement au sérieux, dans la mesure où un tel message ne peut habituellement être émis en Azerbaïdjan sans l’accord des plus hautes autorités. L’organisation
a appelé les autorités allemandes à tout mettre en œuvre pour assurer sa protection.
Yafez Akramoglu, ancien correspondant du service azerbaïdjanais de
Radio Free Europe / Radio Liberty actuellement basé à Prague, a affirmé le 29 juin avoir lui aussi reçu des appels répétés du ministère de la Sécurité nationale (MNS) du Nakhitchevan, une province autonome de l’Azerbaïdjan. Son interlocuteur lui aurait fait savoir qu’il était “surveillé” et qu’il serait bientôt “puni”, de même que sa famille restée au pays, s’il ne mettait pas un terme à ses investigations sur les activités économiques de proches du
chef de la République autonome. Le bureau de Bakou de la radio a été
fermé par les autorités en décembre 2014.
L’Azerbaïdjan figure à la 162e place sur 180 au
Classement mondial 2015 de la liberté de la presse de Reporters sans frontières. La plupart des journalistes empêchés de quitter le pays en 2014 ont ensuite été arrêtés ou mis en examen.