Assassinat de la journaliste Zakia Zaki en 2007 : l’impunité fragilise la justice en Afghanistan

Onze ans après l’assassinat de la journaliste afghane Zakia Zaki, directrice de la station Sada-e-Solh (la voix de la paix) à Jabal al-Sirāj, Reporters san frontières (RSF) demande une nouvelle enquête, approfondie et impartiale, afin d'éclaircir enfin les circonstances de sa mort. Les auteurs de son assassinat n'ont jamais été identifiés publiquement et punis par la justice.

Onze ans d'impunité pour les responsable de la mort de Zakia Zaki, ce sont onze années d’encouragement pour les violences à l’encontre des femmes journalistes, déclare Reza Moini, responsable du bureau Iran-Afghanistan de RSF. En dépit des mesures encourageantes prises par le gouvernement afghan d’union nationale en faveur de la liberté de l’information, et surtout des comités de coordination pour la sécurité des journalistes et médias, aucune enquête digne de ce nom n’a été menée par les autorités. RSF demande également des explications sur la disparition de ce dossier et les raisons de l’impunité dont jouissent toujours les commanditaires et les assassins de la journaliste.”


Des informations contradictoires et un dossier disparu

Dans la nuit du 5 au 6 juin 2007, des hommes ont pénétré au domicile de Zakia Zaki, directrice de la station Sada-e-Solh (la voix de la paix) à Jabal al-Sirāj, dans la province de Parwan (nord de Kaboul), et l’ont tuée de sept balles, sous les yeux de son fils. La journaliste et son équipe qui ont lancé Sada-e-Solh, avant même que les Talibans ne soient chassés de Kaboul, étaient régulièrement menacés par des chefs de guerre locaux.


Le 7 juin 2007, Abdul Manan Farahi, chef du département antiterroriste du ministère de l'Intérieur, avait affirmé que six suspects avaient été arrêtés, et que deux d'entre eux, liés au groupe extrémiste Hezb-i-Islami de Gulbadin Hekmatyar, seraient les tueurs. Mais un an après, tous ont été relâchés. Selon les informations recueillies récemment par RSF et grâce à la demande du comité de coordination pour la sécurité des journalistes et des médias, le parquet de Parwan a confirmé avoir arrêté deux personnes le 6 juin 2007, sans donner plus de précisions. Aucune information sur le dossier n’a depuis filtré et aucune enquête sérieuse n’a été menée à ce jour par les forces de sécurité.


Dans un rapport sur la liberté de la presse et l’impunité en Afghanistan, publié en mars 2014, RSF avait révélé que les assassins étaient des proches de Gulbuddin Hekmatyar, fondateur et leader du groupe islamiste Hezb-e-Islami (HIA). En réalité, le premier suspect, le chef du commando impliqué dans la mort de la journaliste, a été tué un an après cet assassinat par les forces étrangères. “Il était l'un des assaillants qui a attaqué une base militaire dans la région. Le gouvernement savait très bien qu'il était l'un des dirigeants locaux d'Hezb-e-Islami, mais ne savait pas qu'il était impliqué dans la mort de Zakia Zaki. Nous avons pu le déterminer lorsque nous avons retrouvé son arme sur lui. Il s'agissait de l'arme qui avait été utilisée pour assassiner la journaliste. En ce qui concerne les deux autres assaillants, l’un est en prison pour d'autres crimes et le troisième est apparemment en prison”, a confié un haut responsable de la police.


Depuis cet assassinat, des dizaines de femmes journalistes ont été agressées, menacées ou réduites au silence. Nombre d’entre elles ont été contraintes d’abandonner leur travail en raison des menaces croissantes et du climat d’insécurité qui pèsent sur ces femmes.


Le CPWAJ recense le nombre de femmes dans les médias

Lors d’une conférence de presse, le 10 mars 2018, le Centre pour la protection des journalistes afghanes (CPAWJ), partenaire local de RSF, a publié pour la première fois une étude sur le nombre de journalistes et collaboratrices femmes en Afghanistan.


Cette étude a été réalisée auprès de 325 médias nationaux et locaux (83 chaînes de télévision dont 3 chaînes câblées, 159 radios, 4 agences de presse et 78 médias de presse écrite dont 19 quotidiens) dans 32 provinces du pays, ainsi qu’auprès de quatre organisations de défense de la liberté d'information et des journalistes. Au total, 1741 femmes travaillent dans l’ensemble de ces médias et parmi elles, 764 sont des journalistes professionnelles. Les femmes sont plus nombreuses dans les provinces de Kaboul, Herat et Balkh. En revanche, à Khost ou Wardak aucune femme ne travaille dans les médias.


L’étude confirme par ailleurs que la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays a un impact direct sur la présence des femmes journalistes dans les médias.


L’Afghanistan est 118e sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2018 établi par Reporters sans frontières.

Publié le
Mise à jour le 05.06.2018