Acharnement sur le seul quotidien en langue kurde du pays : "Les autorités turques doivent clarifier leurs intentions et leur politique"

Alors que le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a achevé hier une visite officielle de deux jours en France, dans le but notamment de réduire les réticences des autorités françaises à l'adhésion d'Ankara à l'Union européenne, Reporters sans frontières a appris, le 9 avril 2010, que le réacteur en chef du seul quotidien en langue kurde du pays (Azadiya Welat, Pays libre) avait été incarcéré pour s'être exprimé en kurde lors de son procès. Il risque 41 jours de prison. Cette décision choquante est un signal fort envoyé à la population, mais surtout, un acharnement de plus contre Azadiya Welat qui, en sa qualité de seul titre en langue kurde, est un symbole en soi. Nous rappelons que l'ancien rédacteur en chef, Vedat Kursun, risque 525 ans de prison (!), alors qu'Ozan Kilinç, propriétaire et ancien rédacteur en chef, a été condamné à plus de 21 ans de prison par contumace et que, le 4 avril dernier, un distributeur du journal a été retrouvé pendu, sans qu'on sache encore si cette mort est liée à son activité professionnelle. Il est impossible de concilier ces décisions, totalement disproportionnées avec "l'ouverture kurde" annoncée en octobre 2009. Que cherchent au juste les autorités turques ? A raviver les tensions avec la population kurde du pays qui représente plus du quart des citoyens ? Il est urgent que le Premier ministre envoie un message clair et fasse preuve de cohérence et de responsabilité. Le 8 avril 2010, Mehdi Tanrikulu comparaissait, libre, devant la 4e chambre de la cour d'assises d'Istanbul. Il devait y répondre de la publication, le 23 janvier dernier, dans les pages du quotidien, d'un article dans lequel il était fait référence à Abdullah Öcalan comme le " leader du peuple kurde " et au PKK comme le " mouvement de libération kurde". Accusé de faire "la propagande d'une organisation terroriste (le PKK est interdit en Turquie et classé comme organisation terroriste par l'UE et les Etats-Unis), il risque dix ans de prison, en vertu de l'article 7 (alinéa 2) de la loi antiterroriste (3713). Alors qu'il lui revenait de se défendre, après la plaidoirie du procureur, Mehdi Tanrikulu a commencé de s'exprimer en kurde, droit qui lui est garanti, notamment par l'article 39 du traité de Lausanne dont la Turquie est signataire. Malgré cela, il a été interrompu et mis en garde par le magistrat présidant l'audience qui a finalement ordonné l'incarcération du journaliste. Si le tribunal ne procède pas à sa libération dans les prochains jours, Mehdi Tanrikulu restera en prison jusqu'à la prochaine audience fixée au 21 mai, soit pendant 41 jours.
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Updated on 20.01.2016