Abandon des plaintes contre deux quotidiens

Reporters sans frontières condamne avec fermeté les procès intentés ces dernières semaines contre plusieurs quotidiens indépendants irakiens. Quatre médias ont à ce jour été visés par des responsables politiques les accusant de « diffamation », à la suite d’articles faisant état de corruption dans les plus hautes instances de l’État.

Reporters sans frontières est soulagée par la décision du ministre irakien du Commerce, Abdelfalah Al-Soudani, d’abandonner les poursuites judiciaires qu’il avait intentées contre les deux quotidiens indépendants Al-Mashriq et Al-Parlament. Dans un communiqué de presse du 13 mai, le Syndicat des journalistes irakiens a estimé que cette décision va dans le bon sens, faisant écho à sa requête ainsi qu’à la demande de nombreux journalistes d’annuler ces poursuites judiciaires contre les deux quotidiens. « Par cette décision, le ministre reconnaît le rôle grandissant que jouent les journalistes dans l’Irak d’aujourd’hui », a affirmé le syndicat. Le ministre du Commerce demandait 150 millions de dinars (95 000 euros) d’indemnités au quotidien Al-Mashriq pour « préjudice moral », et 50 millions de dinars (31 500 euros) au quotidien Al-Parlament, suite à des articles le mettant en cause personnellement dans des affaires de corruption. Reporters sans frontières rappelle que le quotidien indépendant el bayanat el jedida a été la cible de deux plaintes déposées par le ministère du Pétrole et par le directeur de l’entreprise El Mansour les 15 et 30 mars 2009, pour « diffamation ». La chaîne privée Aldiyar Sat est également visée par une plainte pour « diffamation », déposée le 19 avril 2009, par le directeur de l’entreprise publique des chemins de fer. -----------
11.05.2009 - Les médias indépendants mis en danger par les autorités
« Le gouvernement utilise le droit pour réduire la liberté de la presse »


Reporters sans frontières condamne avec fermeté les procès intentés ces dernières semaines contre plusieurs quotidiens indépendants irakiens. Quatre médias ont à ce jour été visés par des responsables politiques les accusant de « diffamation », à la suite d’articles faisant état de corruption dans les plus hautes instances de l’État. « Ces attaques envers les médias indépendants irakiens vont à l’encontre d’un acheminement vers la démocratie auquel tout un peuple aspire depuis des années. Les lourdes amendes prononcées lors de ces procès mettent ces quotidiens en péril. Comment pourrait survivre la liberté de la presse irakienne dans un tel environnement ? Nous demandons au contraire aux autorités irakiennes de protéger les médias indépendants, et de respecter l’article 38 de la Constitution irakienne assurant la liberté d’expression », a déclaré l’organisation. Le quotidien indépendant el bayant el jedida a ainsi été la cible de deux plaintes, déposées le 15 puis le 30 mars, par le ministère du Pétrole et par le directeur de l’entreprise « el Mansour ». Ces responsables accusent le quotidien de « diffamation », après la publication d’articles faisant état de corruption au sein de ladite entreprise et d’un dépôt pétrolier au nord de Bagdad (numéros 768 du 5 mars 2009 et 772 du 12 mars 2009) . Le ministre demande 500 millions de dinars (315 000 euros) de compensation, et le directeur 300 millions de dinars (189 000 euros). La chaîne privée Aldiyar Sat est de son côté visée par une plainte pour « diffamation » déposée le 19 avril 2009 par le directeur de l’entreprise des chemins de fer publics, après un reportage sur les mauvaises conditions de travail des employés de la société dans la province d’Anbar. Le jugement d’appel a confirmé la condamnation à une amende de 10 millions de dinars (6 300 euros). « Ces procès font partie d’une campagne organisée contre les médias pour faire taire la liberté d’expression, orchestrée par le gouvernement », a déclaré à Reporters sans frontières Emad el Ebadi, l’un des responsables de la chaîne Aldiyar Sat. « Les attaques contre les journalistes se répètent, et pour cause : le Premier ministre Nouri Al Maliki et le président Jalal Talabani ont récemment révélé qu’ils souhaitaient « en finir » avec les médias agressifs, autrement dit qui ne soutiennent pas le gouvernement. Mais cela concerne tous les médias libres et indépendants. » Enfin, le 5 mai 2009, le ministre du commerce, Abdelfalah Al-Soudani, a intenté plusieurs plaintes contre Al-Parlament et Al-Mashriq, deux quotidiens indépendants qui avaient publié un rapport de la Commission d’Intégrité Publique (organe indépendant chargé de la lutte anti-corruption), faisant état de corruption au sein de la Chambre des députés, et mettant en cause le ministre du Commerce. Le ministre, qui a déposé trois plaintes contre le quotidien Al-Mashriq, demande au total presque 100 000 euros d’indemnités pour « préjudice moral ». « Ces mesures sont extrêmement dangereuses car elles limitent la liberté de publication et le droit d’accès à l’information », confie le rédacteur en chef de Al-Mashriq, Fouad Razi, à Reporters sans frontières. « Le ministre a décidé de porter plainte contre l’un des plus importants quotidiens indépendants, pour s’assurer une opinion favorable. » Le ministre réclame par ailleurs 50 millions de dinars (31 500 euros) au quotidien Al-Parlament. L’article qu’il met en cause est paru dans le numéro 867 daté du 20 avril 2009. « Les médias devraient rester en dehors des interventions et pressions politiques et partisanes, qui vont à l’encontre de la liberté d’expression », a déclaré la rédaction du journal dans un communiqué. « Ces atteintes, contraires à l’engagement du gouvernement relatif à la protection des journalistes, ne vont pas nous dissuader d’accomplir nos efforts pour diffuser une parole honnête et juste. L’indépendance de Al-Parlament est un fondement essentiel. Al-Parlament continuera à s’acquitter de cette tâche malgré les pressions, les difficultés et les obstacles. » Reporters sans frontières a demandé à un expert en la matière son avis sur cette vague de procès. Nabil Jassam est professeur à faculté des médias de l’université de Bagdad : « Le gouvernement utilise le droit pour réduire la liberté de la presse. Cette dernière est régie par la « loi 111 », du code pénal irakien, qui date de 1969 », a-t-il expliqué à l’organisation. « Les condamnations, selon ce code, vont de l’amende jusqu’à la peine de mort. Le gouvernement actuel n’a pas changé la partie concernant la liberté d’expression, alors qu’il devrait s’y engager, pour faire progresser les droits de l’homme en Irak. Son but est de réduire la liberté de la presse. »
Publié le
Updated on 20.01.2016