3 ans de prison ferme pour un article : un réquisitoire injustifié contre le journaliste algérien Rabah Karèche
Le procureur a requis 3 ans de prison ferme contre le journaliste quotidien Liberté, Rabah Karèche pour la publication d’un article sur une manifestation dans la région de l’Ahaggar (région saharienne du sud de l’Algérie). Le verdict est attendu le 12 août 2021. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités algériennes à abandonner toutes les charges qui pèsent sur le journaliste qui n’a fait que son travail.
Trois ans de prison ferme ont été requis le 5 août 2021 contre le journaliste du quotidien Liberté, Rabah Karèche. En détention provisoire depuis 109 jours à la prison de Tamanrasset à 2 000 km au sud d’Alger, le journaliste est accusé de “création d’un compte électronique consacré à la diffusion d’informations susceptibles de provoquer la ségrégation et la haine dans la société”, la “diffusion volontaire de fausses informations susceptibles d’attenter à l’ordre public” et le “recours à divers moyens pour porter atteinte à la sûreté et l’unité nationale”.
Le verdict sera rendu le 12 août prochain par le tribunal de Tamanrasset.
“Reporters sans frontières déplore l’instrumentalisation de la justice et appelle les autorités algériennes à abandonner les charges qui pèsent sur le journaliste qui n’a fait que son travail”, déclare le directeur du bureau Afrique du Nord de RSF Souhaieb Khayati, “la peine requise est totalement injustifiée et la détention provisoire de Rabah Karèche n’a que trop duré.”
Inculpé le lundi 19 avril 2021, le journaliste a été incarcéré le jour même pour avoir publié un article à propos d’une manifestation contre les décrets fixant les limites territoriales des wilayas (division administratives) nouvellement créées dans la région touareg de l’Ahaggar.
Un cadre légale liberticide
L’article de Rabah Karèche est jugé extrêmement critique par les autorités algériennes car il traite d’un sujet tabou en Algérie. À savoir : la contestation des décisions gouvernementales prises au détriment des tribus de l’Ahaggar. Elles dénoncent un processus d’expropriation de leurs terres au profit des wilayas voisines de Djanet ou d’Illizi et une spoliation des richesses minières et gazières.
L’incarcération de Rabah Karèche est une énième preuve que l’article 54 de la Constitution qui garantit la liberté de la presse n’est qu’une vitrine trompeuse. Dans l’Algérie de 2021, la publication d’un tweet ou d’un article de presse est susceptible de mener son auteur en prison du fait d’un cadre légal en réalité liberticide et de l’application qui en est faite.
L'Algérie figure à la 146e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2021 établi par RSF. Le pays a perdu 27 places depuis 2015.