12 et 13 ans de prison pour les journalistes Elaheh Mohammadi et Niloofar Hamedi en Iran : RSF dénonce des condamnations abusives

Après 13 mois de détention provisoire, les journalistes iraniennes Elaheh Mohammadi et Niloofar Hamedi sont condamnées à douze et treize ans de prison. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une condamnation abusive et alarmante à la suite d’un procès parodique.

Le 22 octobre, après avoir détenu les journalistes Elaheh Mohammadi et Niloofar Hamedi pendant 13 mois, la 15e branche du tribunal révolutionnaire de Téhéran a finalement rendu sa décision : 12 années de prison pour la correspondante de Ham Mihan, Elaheh Mohammadi et 13 ans pour la correspondante de Shargh Daily Niloofar Hamedi. 

Le tribunal les a reconnus coupables de toutes les accusations portées à leur encontre. Elahe Mohammadi a été condamnée à 12 ans d’emprisonnement dont 6 pour “collaboration avec le gouvernement hostile des États-Unis”, 5 ans pour “complot et collusion en vue de commettre un crime contre la sécurité nationale”, et à 1 an pour “ propagande contre la République islamique”. Niloofar Hamedi a été reconnue coupable des mêmes charges, avec une condamnation à 13 ans d’emprisonnement. 

Selon le quotidien Ham Mihan, les jours de détention déjà effectués par les journalistes seront déduits et elles pourraient bénéficier d’aménagements de peine, calculés conformément à l'article 27 de la loi sur les peines islamiques. Les verdicts peuvent faire l'objet d'un appel dans un délai de 20 jours.

Le verdict est scandaleux. Un an de détention provisoire n'a pas satisfait la soif de vengeance de la République islamique, qui vient de punir sévèrement ces deux journalistes courageuses. La condamnation de la journaliste Elaheh Mohammadi à 12 années de prison et celle de sa consoeur, Niloofar Hamedi, à 13 ans, tourne en dérision le concept de justice. Elles sont punies pour l’exercice de leur métier : celui d’assurer aux populations un droit à l’information. RSF appelle  la la communauté internationale à se mobiliser pour que les deux journalistes soient libérées immédiatement et sans conditions.

Jonathan Dagher
Responsable du bureau Moyen-Orient de RSF

Les procès, dénoncés par RSF comme des "farces judiciaires", se sont déroulés en deux sessions pour chacune des journalistes, présidées par le juge Abolghasem Salavati, connu pour la sévérité de ses verdicts. Les premières sessions ont eu lieu le 29 et 30 mai 2023 pour Niloofar Hamedi et Elaheh Mohamamdi respectivement, tandis que les deuxièmes se sont déroulées le 25 et le 26 juillet. Leurs avocats n'ont été informés de ces dates qu'à la dernière minute et n'ont eu que quelques heures pour examiner les dossiers et rencontrer, leurs clientes. Ils n'ont pas été autorisés à s'exprimer devant le juge.

Durant leurs audiences, les deux journalistes ont toujours nié les charges retenues à leur encontre. “Je peux dire avec fierté que je n'ai jamais eu de liens avec des gouvernements étrangers et que ma loyauté va au peuple, car je me considère comme sa voix," a déclaré Elaheh Mohammadi au juge en juillet dernier, selon son mari Saeed Parsaee. 

Juste avant le verdicte, le 22 octobre 2023, le mari de Niloofar Hamedi, Mohamad Hosein Ajorloo, a souhaité un joyeux anniversaire à sa femme sur Instagram. "Nous ne savons pas combien d'anniversaires tu passeras encore derrière ces murs”, a-t-il écrit. Il a ajouté :  “Mais nous nous en sortirons et nous célébrerons enfin la liberté". Déjà, le 22 juillet dernier, il avait appelé à “un procès public équitable et transparent et à la libération immédiate de Niloufar et d'Elaheh.” Une demande qui est vraisemblablement tombée dans l'oreille d'un sourd, ce dimanche 22 octobre. 

Deux journalistes qui ont couvert l’affaire Mahsa Amini

Niloofar Hamedi, correspondante du quotidien Shargh, a été arrêtée parmi les premières journalistes à informer sur l’affaire Mahsa Amini, publiant une photo de la famille de la jeune kurde depuis l'hôpital da Karsa à Téhéran où elle était dans le coma. Le lendemain, c’est la correspondante du quotidien Ham Mihan, Elaheh Mohammadi, qui prend le relais. Elle était la seule journaliste à couvrir les funérailles de Mahsa Amini au Kurdistan Iranien. 

Le 22 septembre 2023, date de l’anniversaire de l’arrestation de Niloofar Hamedi, son avocat avait déposé une requête auprès du tribunal pour demander la libération de sa cliente qui avait dépassé la limite légale d'un an de prison. Une autre requête similaire a été déposée par l'avocat d'Elaheh Mohammadi le 30 septembre 2023, un an après sa détention. 

Des procédures judiciaires ambiguës, des arrestations arbitraires, de longues détentions préventives et des sentences oppressives se conjuguent pour piéger les journalistes dans un labyrinthe de répression conçu pour les museler. Avec ces nouvelles condamnations, les quatre femmes journalistes emprisonnées en Iran ont été condamnées, y compris Vida Rabbani et Narges Mohammadi, qui a récemment reçu le prix Nobel de la paix.

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