A 100 jours des élections : inquiétudes pour la presse indépendante

A trois mois des élections législatives et présidentielle, Reporters sans frontières dresse un état de la liberté de la presse. Les intimidations, interdictions de sortie du territoire et autres menaces à l’encontre de journalistes tunisiens sont monnaie courante. « A la veille d’élections nationales, on espérerait plus de tolérance de la part du pouvoir en place, mais l’appareil policier continue à exercer une pression constante sur les journalistes critiques des autorités. Etre journaliste indépendant en Tunisie relève toujours du calvaire. Les élections d’octobre risquent de servir de prétexte pour alourdir la pression sur la presse proche de l’opposition et les correspondants des médias étrangers en Tunisie », a déclaré l’organisation. Des pressions s’exercent notamment sur ceux qui s’expriment librement dans les médias étrangers. Le 25 juin 2009, Tarek Soussi, activiste des droits de l’homme et membre de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques (AISPP), a été condamné à trois mois de prison avec sursis par la cour d’appel de Bizerte (60 km au nord-l’ouest de Tunis), après de nombreux reports de séance. Il était poursuivi pour « propagation de fausses nouvelles de nature à troubler l’ordre public », après avoir participé, en 2008, à un programme consacré à l’actualité des pays de l’Afrique du Nord sur Al-Jazeera. Au cours de cette émission, il avait dénoncé, au nom de l’AISPP, l’interpellation abusive de sept jeunes de Bizerte, qu’il avait qualifiée d’« enlèvement ». (Voir le dernier communiqué sur Tarek Soussi du 26 septembre 2008). Les pressions sur les journalistes indépendants passent aussi par une interdiction de sortie du territoire. En les empêchant de participer à des formations et des forums internationaux sur la presse, les autorités tunisiennes musèlent les journalistes indépendants, tels que Mohammed Al Hamrouni, Rachid Khechana et Slim Boukhdhir qui attendent depuis de nombreuses semaines la validation de leur dossier de passeport, alors que la procédure ne prend que deux semaines en général. Le correspondant d’Al-Jazeera en Tunisie, Lotfi Hajji, s’est plaint d’une intensification des restrictions à son encontre. Le câble Internet de son domicile est coupé depuis plus d’un mois, pour la deuxième fois en l’espace de six mois. Il a aussi été empêché par la police de rencontrer un défenseur des droits de l’homme, les 24 et 26 juin à Tunis. Lotfi El-Hidouri a récemment fait l’objet d’une surveillance policière à son domicile à Tunis pendant 24 heures, le 27 juin. Ce journaliste de l’agence de presse Qods Press International écrit des articles sur la corruption et les atteintes aux droits de l’homme en Tunisie. Une autre collaboratrice des médias indépendante, Zakia Dhifaoui avait également été suivie par des agents de police en civil pendant trois jours, au début du mois d’avril dernier. Elle collabore à la seule radio indépendante de Tunisie, Kalima, dont les locaux à Tunis avaient été fermés le 30 janvier. La radio émet sur Internet depuis l’Italie. La situation des médias tunisiens : La récente ouverture de l’audiovisuel et de la presse écrite à des investissements privés avait, dans un premier temps, apporté quelques espoirs concernant la liberté d’information. Mais les progrès dans ce domaine se font toujours attendre. En effet, la majorité des médias est directement contrôlée par le gouvernement, ou appartient à des proches du président. La presse d’opposition est quant à elle financée par des groupes politiques : Attarik Al-Jedid par le Mouvement Attajdid, Al-Maoukif, organe du Parti démocratique progressiste, Mouatinoun est publié par le Forum démocratique pour le travail et les libertés. Le journal indépendant Kalima de Sihem Ben Sedrine n’a jamais reçu les autorisations nécessaires pour paraître. Il en est de même pour la télévision. La seule chaîne indépendante, Al-Hiwar Ettounsi, est accessible seulement via le satellite. Interdite, elle émet depuis l’étranger. Certes, quatre stations privées partagent la bande FM avec neuf stations gouvernementales, mais elles appartiennent à des proches du président. Et la seule radio indépendante, Kalima, est contrainte d’émettre sur Internet, depuis septembre 2008. Pendant 24 heures seulement en janvier 2009, Kalima pouvait être écoutée via le satellite. Mais les autorités ont officiellement interdit les activités de la radio en Tunisie. Les autorités tunisiennes filtrent la Toile. Les sites d’opposition sont systématiquement filtrés, les cybercafés sont surveillés, l’identité des utilisateurs conservée. Certains sites communautaires de partages et d’échanges de données, tels que DailyMotion, YouTube ou Facebook, sont régulièrement bloqués en raison de la publication de contenus critiquant la politique du chef de l’État. Lire le rapport de mission de Reporters sans frontières : « Tunisie, le courage d’informer ».
Publié le
Updated on 20.01.2016