Élections présidentielles en Iran : l’impérieuse urgence de mettre fin à une spirale de répression continue des journalistes

Alors que l’élection présidentielle se tient ce 28 juin en Iran, Reporters sans frontières (RSF) appelle les futures autorités à mettre un terme à une répression multiforme et sans fin des journalistes : 25 journalistes sont toujours détenus, d’autres sont placés sous surveillance, et des lois liberticides entravent l'exercice de leur travail. Cette spirale doit cesser. 

Les journalistes indépendants d'investigation Saba Azarpeik et Yashar Soltani sont les derniers en date à avoir été enfermés en Iran en raison de leur travail. Condamnés le 11 juin 2024, respectivement à 2 ans et à 13 mois de prison, pour "diffusion de fausses informations" et "propagande contre l'État", ils font partie des 25 journalistes actuellement derrière les barreaux dans le pays.  

Détention arbitraire, surveillance, censure et lois liberticides font partie d’un arsenal de répression des journalistes qui ne cessent de se renforcer. RSF appelle le futur  président  iranien, qui sera élu à l’issue du scrutin de ce vendredi 28 juin, à mettre un terme à cette répression.

"La situation en Iran est insupportable pour les journalistes. La répression qui s'est alourdie à la suite du déclenchement du mouvement de protestation ‘Femme, vie, liberté’ de septembre 2022 perdure et le climat de censure imposé par le régime ne cesse de terroriser les reporters. Tant que ces entraves resteront ancrées dans les lois, les pratiques, et la politique du régime iranien, l’information demeurera restreinte et les journalistes continueront de subir des peines sévères. Il est primordial que les nouvelles autorités y mettent définitivement un terme, à tous les niveaux où elles existent, et libèrent les journalistes emprisonnés.

Jonathan Dagher
Responsable du bureau Moyen-Orient de RSF

Une répression législative 

La répression des journalistes passe par un large arsenal législatif. Au moins 14 journalistes ont été inculpés depuis 2022 de charges liberticides telles que "propagande contre l'État""rassemblement et collusion contre la sécurité nationale" ou "publication de mensonges, diffamation, calomnies, menaces". Les journalistes Niloofar Hamedi et Elaheh Mohammadi ont ainsi été condamnées pour ces trois charges. Si l'article 24 de la Constitution iranienne garantit la liberté de la presse, il précise que celle-ci ne doit pas violer les "principes islamiques" ou "l'intérêt public". Des termes interprétés de manière large pour réprimer la dissidence.

Des détentions arbitraires 

Souvent arrêtés et détenus sans charge dans un lieu inconnu, les journalistes disparaissent tout simplement dans le labyrinthe répressif du pouvoir. Le journaliste et rédacteur en chef du journal Meydan-e AzadHadi Kasaie Zadeh, par exemple, a été arrêté et transféré vers un lieu inconnu le 21 juin dernier, avant d’être libéré dans la journée. Il venait de publié un article sur la mort de l’adolescente disparue Nika Shakarami lors du mouvement "Femme, vie, liberté" en 2022. Parmi les 83 journalistes emprisonnés depuis le début du mouvement, 29, soit un tiers, sont des femmes. Elles aussi ont été victimes de farces judiciaires, de détentions préventives prolongées ou de disparitions forcées.

Suspension des médias et censure 

L’intimidation des journalistes passe aussi par les forces de l'ordre. Ainsi  la rédaction du journal Farda-e-Eghtesad à été victime, en février 2024, d’une descente de police dans ses locaux. Le lendemain, l'agence de presse Mizan, sous contrôle de la justice iranienne, a déclaré que "l'inspection des locaux des médias par les officiers judiciaires et les arrestations n'étaient pas liées à leurs activités journalistiques et médiatiques", sans fournir plus de détails. La séquestration et la détention du personnel ont été provoquées par la publication d'un reportage vidéo – depuis supprimé – concernant le contournement des sanctions. De même, le quotidien Etemad a reçu plusieurs menaces du gouvernement, l’une d’eux par exemple, pour avoir publié des analyses critiquant les attaques de l'Iran contre Israël du 13 avril 2024.

Violence et surveillance

Les journalistes subissent des “violences physiques et psychologiques”, qu’ils soient en prison ou en liberté. La peine infligée à la lauréate du prix Nobel, journaliste et écrivain Narges Mohammadi comprenait 154 coups de fouet, une sanction qui viole de manière flagrante les lois internationales en matière de droits humains, mais qui est couramment infligée aux journalistes. Mêmes les journalistes iraniens en exil, travaillant notamment pour BBC Persia et Iran International, indiquent avoir fait l'objet de menaces de mort et d'abus en ligne de la part du gouvernement iranien et de ses alliés. 

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