Égypte : RSF demande l’abandon immédiat de toutes les poursuites contre trois journalistes indépendantes du site Mada Masr

Trois journalistes de Mada Masr, l’un des derniers sites d’information indépendants en Égypte, doivent être jugées à partir du 6 mars 2023 pour “offense contre des députés” et “mauvaise utilisation des canaux de communication”, et risquent jusqu'à deux ans de prison. Reporters sans frontières (RSF) demande l'abandon immédiat et inconditionnel de toutes les poursuites contre les trois journalistes.

Elles avaient déjà été détenues pour un long interrogatoire par le procureur général de Rehab, au Caire, en septembre 2022, aux côtés de la cofondatrice et rédactrice en chef de Mada Masr Lina Attalah, lauréate du prix RSF 2020 de l’indépendance.  Les trois journalistes de la publication égyptienne indépendante, Beesan Kassab, Sara Seif Eddin et Rana Mamdouh, doivent comparaître cette fois devant un tribunal égyptien, pour "offense contre des députés" et "mauvaise utilisation des canaux de communication", à partir du 6 mars. 

La justice égyptienne leur reproche d’avoir publié en août 2022, une enquête révélant que des membres du Parti du futur de la nation, étaient impliqués dans de “graves” affaires de corruption et de trafic d’influence, qui “devraient entraîner leur retrait de la scène politique’’. Suite à la publication de cet article, des dizaines de plaintes avaient été déposées par des membres du Parti du futur de la nation, parti politique majoritaire au sein de la Chambre des représentants égyptienne et soutien du président Abdel Fattah al-Sissi, certaines accusant notamment les journalistes d’avoir diffusé de “fausses nouvelles”. Si elles sont reconnues coupables, les trois journalistes de Mada Masr risquent entre six mois à deux ans d’emprisonnement, ainsi que des amendes pouvant aller de 50 000 à 300 000 Livres égyptiennes (soit 1500 à 9200 euros).

Ce procès contre les journalistes de Mada Masr est un simulacre de justice et fait partie de l’arsenal d’intimidation et de harcèlement que le gouvernement égyptien déploie depuis des années contre ce média indépendant qui diffuse des informations au nom de l’intérêt public, déplore le responsable du bureau Moyen-Orient de RSF, Jonathan Dagher. Nous demandons l'abandon immédiat de toutes les poursuites contre Beesan Kassab, Sara Seif Eddin et Rana Mamdouh, ainsi que la libération des 23 autres journalistes actuellement détenus par le pouvoir égyptien.” 

La demande de licence du site web de Mada Masr officiellement rejetée

À l’approche du procès des trois journalistes, le Conseil suprême de la presse et des médias, organe de tutelle créé par le président Abdel Fattah al-Sissi, a officialisé le 28 février 2023,  avec quatre ans de retard, le rejet de la licence du site web de Mada Masr, dont l’accès est de fait bloqué en Egypte depuis 2017.

Conformément à une nouvelle loi sur les médias, Mada Masr avait soumis une demande de licence au Conseil suprême de la presse et des médias en 2018 pour autoriser la publication de son site web mais sa demande n’avait jamais reçu de réponse officielle de la part de l’institution. Depuis, la rédactrice en chef de Mada Masr Lina Atallah, avait pris connaissance de façon officieuse de la réponse négative de l’organe de tutelle, en septembre 2022, lors de son interrogatoire, dans le cadre des plaintes déposées contre les trois journalistes Beesan Kassab, Sara Seif Eddin et Rana Mamdouh, lorsqu’une lettre de rejet lui avait été présentée et qu’on lui avait reproché de “gérer un site web sans la licence appropriée”. 

Suite à cette découverte, Mada Masr avait lancé une action en justice pour contraindre le Conseil suprême de la presse et des médias à justifier les causes de son refus par écrit. Selon l’organe de tutelle, le site web indépendant  aurait soumis sa demande de licence trop tardivement en 2020, six mois après la publication du règlement exécutif de la nouvelle loi sur les médias. D’autres motifs de rejet sont énumérés par l’institution égyptienne, parmi lesquels l’invalidité présumée des documents présentés lors de sa demande. Des manquements contestés par le site d’information indépendant. 

L’Officialisation du refus de la licence du site web de Mada Masr est hautement symbolique. Non seulement parce que le site d’information indépendant est l'une des dernières publications en Égypte à ne pas être tombées sous le contrôle ou l'influence directe de l'État égyptien, mais aussi parce que ce dernier assume ainsi au grand jour son acharnement contre le journalisme indépendant et la liberté d’expression.

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