Violences post-électorales et propagande guerrière : lettre ouverte à Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba
Organisation :
Paris, le 21 août 2006
Messieurs,
Allumer la télévision en République démocratique du Congo aujourd'hui, c'est se jeter dans une mêlée de hurlements et d'imprécations dangereuses. Tous les matins, sur les chaînes que vous contrôlez, chacun jure de venger “ses” morts en brandissant “ses” cadavres face à la population. Pour vos partisans, c'est le plus sûr moyen de se galvaniser, de se préparer au combat, de se gonfler de rancune et de haine envers vos adversaires. La télévision est un instrument politique d'une puissance phénoménale. Elle peut être un formidable outil d'éducation et d'éveil, mais elle peut aussi devenir une arme redoutable, au service du mensonge et de la violence. Or, le vocabulaire employé sur vos chaînes est celui d'une guerre sans pitié, pas celui d'un débat électoral. Cela n'est plus supportable. Aujourd'hui, c'est une menace. Demain, ce sera peut-être une série de crimes dont vous porterez la responsabilité. Reporters sans frontières vous écrit, au lendemain de la proclamation des résultats partiels de l'élection présidentielle, pour vous lancer un cri d'alarme. Aujourd'hui, il suffirait d'une étincelle pour mettre à feu toute la République démocratique du Congo. Mais une prise de conscience rapide du danger qui guette votre pays pourrait faire en sorte que la violence annoncée soit étouffée. La paix que, tous deux, vous avez promise, pourrait alors devenir une réalité. Pour cela, il vous faut prendre conscience que les médias que vous contrôlez jouent un jeu extrêmement risqué. Vous briguez tous deux la magistrature suprême, mandat qui confère à celui qui est élu la responsabilité de la paix civile. Vous avez donc le devoir de faire taire les médias de la haine que vous entretenez, autant que de contrôler les hommes en armes qui vous sont loyaux. Reporters sans frontières n'est partisan de personne. Ces derniers mois, nous nous sommes adressés, sans favoritisme, à tous ceux qui ont une part de responsabilité dans le bouillonnement violent qui secoue la République démocratique du Congo, hommes politiques, journalistes et simples citoyens. Nous n'avons pas été écoutés et la situation est proche du désastre. Désormais, vous n'êtes plus que deux, face à face. Il vous appartient maintenant de ne plus faire la sourde oreille. Si vous ne faites rien, tout ce que vous et vos sympathisants avez construit s'effondrera. Il ne restera que la haine, les armes et des criminels hurlant leurs ordres dans des micros. Reporters sans frontières vous exhorte à entendre enfin son appel pour que votre pays ne bascule pas dans une violence généralisée, nourrie et organisée par une presse aux ordres. Ce ne serait pas seulement un cauchemar pour les défenseurs de la liberté de la presse ou des droits de l'homme, mais surtout pour la population congolaise, pour ceux qui vous ont fait confiance et pour vous. Il n'est pas trop tard pour agir. Il vous suffit d'être convaincus.
Robert Ménard
Secrétaire général
Messieurs,
Allumer la télévision en République démocratique du Congo aujourd'hui, c'est se jeter dans une mêlée de hurlements et d'imprécations dangereuses. Tous les matins, sur les chaînes que vous contrôlez, chacun jure de venger “ses” morts en brandissant “ses” cadavres face à la population. Pour vos partisans, c'est le plus sûr moyen de se galvaniser, de se préparer au combat, de se gonfler de rancune et de haine envers vos adversaires. La télévision est un instrument politique d'une puissance phénoménale. Elle peut être un formidable outil d'éducation et d'éveil, mais elle peut aussi devenir une arme redoutable, au service du mensonge et de la violence. Or, le vocabulaire employé sur vos chaînes est celui d'une guerre sans pitié, pas celui d'un débat électoral. Cela n'est plus supportable. Aujourd'hui, c'est une menace. Demain, ce sera peut-être une série de crimes dont vous porterez la responsabilité. Reporters sans frontières vous écrit, au lendemain de la proclamation des résultats partiels de l'élection présidentielle, pour vous lancer un cri d'alarme. Aujourd'hui, il suffirait d'une étincelle pour mettre à feu toute la République démocratique du Congo. Mais une prise de conscience rapide du danger qui guette votre pays pourrait faire en sorte que la violence annoncée soit étouffée. La paix que, tous deux, vous avez promise, pourrait alors devenir une réalité. Pour cela, il vous faut prendre conscience que les médias que vous contrôlez jouent un jeu extrêmement risqué. Vous briguez tous deux la magistrature suprême, mandat qui confère à celui qui est élu la responsabilité de la paix civile. Vous avez donc le devoir de faire taire les médias de la haine que vous entretenez, autant que de contrôler les hommes en armes qui vous sont loyaux. Reporters sans frontières n'est partisan de personne. Ces derniers mois, nous nous sommes adressés, sans favoritisme, à tous ceux qui ont une part de responsabilité dans le bouillonnement violent qui secoue la République démocratique du Congo, hommes politiques, journalistes et simples citoyens. Nous n'avons pas été écoutés et la situation est proche du désastre. Désormais, vous n'êtes plus que deux, face à face. Il vous appartient maintenant de ne plus faire la sourde oreille. Si vous ne faites rien, tout ce que vous et vos sympathisants avez construit s'effondrera. Il ne restera que la haine, les armes et des criminels hurlant leurs ordres dans des micros. Reporters sans frontières vous exhorte à entendre enfin son appel pour que votre pays ne bascule pas dans une violence généralisée, nourrie et organisée par une presse aux ordres. Ce ne serait pas seulement un cauchemar pour les défenseurs de la liberté de la presse ou des droits de l'homme, mais surtout pour la population congolaise, pour ceux qui vous ont fait confiance et pour vous. Il n'est pas trop tard pour agir. Il vous suffit d'être convaincus.
Robert Ménard
Secrétaire général
Publié le
Updated on
20.01.2016