Violences en RDC : un journaliste menacé de mort, son confrère kidnappé à sa place
Alors qu’ils visaient le journaliste Jean Christian Bafwa, aujourd’hui menacé de mort, des individus ont kidnappé son confrère Deogratias Dhessaba dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). Reporters sans frontières (RSF) demande l’ouverture d’une enquête afin d’identifier et de poursuivre les auteurs, et appelle à la protection des journalistes dans la région.
C’est une histoire rocambolesque. Deogratias Dhessaba, présentateur et traducteur en langue locale pour la Radio-Télévision nationale congolaise (RTNC), a été enlevé par erreur le 27 avril. En fin de matinée, après avoir quitté la station de radio à Bunia, au nord-est du pays, le journaliste a été emmené dans une voiture noire puis drogué, avant de perdre connaissance. Après avoir roulé toute la nuit, ses ravisseurs l’ont finalement abandonné environ 80 kilomètres plus loin au petit matin, dans une zone marquée par la présence de rebelles armés. Le motif de cette soudaine libération : les ravisseurs s’étaient trompés de cible. Ils avaient prévu d’enlever Jean Christian Bafwa, animateur à la radio communautaire CANDIP, émettant également à Bunia.
Dans une province au contexte sociopolitique et sécuritaire aussi troublés, où l’information est fondamentale, les journalistes devraient, plus que jamais, pouvoir travailler librement sans crainte de faire l’objet d’attaques. Les menaces pesant sur Jean Christian Bafwa sont bien réelles et extrêmement préoccupantes, en témoigne l’enlèvement violent de son confrère. Une enquête doit absolument être ouverte afin de poursuivre en justice les auteurs de ces actes odieux, et des mesures doivent être prises pour assurer la sécurité des journalistes de la région, constamment exposés.
Une note vocale transmise par Deogratias Dhessaba à son confrère après son enlèvement est formelle : quand les kidnappeurs l’ont “jeté du véhicule”, ils ont clairement mentionné le nom de Jean Christian Bafwa. Le 15 mai, un membre d’un parti politique local l’a prévenu que quatre hommes circulant à moto dans les quartiers de Bunia le recherchaient. Contacté par RSF, le journaliste déclare être “traumatisé” et se sentir en insécurité. “Ils vont peut-être planifier une autre opération. Je vis désormais dans la vigilance la plus totale.”
Fin 2021, Jean Christian Bafwa avait reçu des menaces de mort de la part d’inconnus, qui lui reprochaient de dénoncer les barrages routiers payants mis en place par un groupe armé en Ituri. Aujourd’hui, le journaliste continue de traiter des tensions qui minent la province, et alerte notamment sur les connivences entre certains groupes armés et les autorités.
Près de trois semaines après son enlèvement, Deogratias Dhessaba est toujours à l'hôpital après avoir été retrouvé dans un état de santé critique.
La RDC reste l’un des pays les plus dangereux pour les journalistes sur le continent africain. La situation est particulièrement tendue dans l’est du pays, notamment dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, où les journalistes sont pris en étau entre les groupes armés et les forces gouvernementales (FARDC) qui s’y affrontent.
La province de l’Ituri, qui est sous état de siège depuis mai 2021, est parmi les plus meurtrières de la RDC. Depuis 2013, trois journalistes y ont été tués par des miliciens qui sèment la terreur. Le dernier en date est Joël Musavuli, directeur de la Radiotélévision communautaire de Babombi (RTCB). Assassiné le 14 août 2021 à l’arme blanche par des individus non-identifiés ayant fait irruption dans son domicile, il animait notamment une émission dans laquelle il se montrait critique à l’égard des milices armées et des Forces armées de la RDC (FARDC) opérant en Ituri. Il recevait des menaces de mort depuis plusieurs semaines. Les autorités ne peuvent pas laisser un cas similaire se reproduire.
La RDC occupe la 124e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.