Reporters sans frontières interpelle le premier ministre français sur la situation de la liberté de l'information au Maroc
Organisation :
A l'occasion du déplacement du premier ministre français au Maroc, Reporters sans frontières souhaite attirer son attention sur les réformes législatives nécessaires relatives à la liberté de l'information. Les autorités marocaines doivent mettre en oeuvre les nouvelles mesures constitutionnnelles garantissant le droit à l'information.
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Monsieur Jean-Marc Ayrault
Premier ministre
Hôtel de Matignon
57, rue de Varenne
75700 Paris
Paris, le 10 décembre 2012
Objet : Situation de la liberté de l’information au Maroc
Monsieur le Premier ministre, A l’occasion de votre prochain déplacement au Maroc, Reporters sans frontières souhaite attirer votre attention sur la situation de la liberté de l'information dans ce pays. Lors d’une conférence à Rabat en novembre dernier, sur le thème « la liberté de la presse à l’épreuve de l’évaluation », Reporters sans frontières a salué les mesures annoncées par le ministre de la Communication, Monsieur El-Khalfi, en matière de réforme du système des médias. Toutefois, l’organisation a souligné qu’elle serait attentive à ce que ces promesses se traduisent enfin par des mesures concrètes. Si le retour des accréditations pour les journalistes d’Al-Jazeera constitue certes un pas significatif, cela ne doit en rien cacher l’importance du chantier des réformes à entreprendre. En effet, pendant des années, les journalistes marocains et les organisations de défense de la liberté de l’information, qu’elles soient nationales ou internationales, ont demandé des réformes juridiques, poussant, encourageant les autorités marocaines à dépénaliser les délits de presse. De nombreuses conférences, tables rondes, rencontres ont été organisées, des livres blancs ont été écrits… en vain. Aussi, le 16 novembre 2012, au cours d'un entretien, Reporters sans frontières a fait part à Mustapha El-Khalfi, ministre de la Communication, de ses recommandations en matière de liberté de l’information. Les modifications constitutionnelles en matière de liberté de la presse (articles 27 et 28) doivent être retranscrites dans l’ensemble des textes de lois marocains, ainsi que l’adoption, par le Maroc, d’un certain nombre de recommandations lors de l’Examen périodique universel devant le Conseil des droits de l’homme à Genève en juin dernier. Cela doit se traduire par une dépénalisation des délits de presse, que ce soit dans le code de la presse (article 41), et le code pénal (articles 179, 54, 65 et 66), sans pour autant que cela ne se traduise par une augmentation du montant des amendes. Les amendes prévues dans le futur code de la presse doivent être proportionnées. Reporters sans frontières demande également la suppression dans les textes et dans la pratique des « lignes rouges » que sont la monarchie, l’islam et l’intégrité territoriale, ainsi que les interdictions de publication pour « délit de blasphème ». La définition des délits doit être claire et précise, notamment pour ce qui est des « insultes » et des « graves insultes », qui sont des notions éminemment subjectives, laissant une place importante à l’arbitraire, de la part notamment des magistrats. Le principe de primauté de la loi spéciale sur la loi générale doit être réaffirmé afin de s’assurer qu’aucune disposition du code pénal ne soit appliquée quand il s’agit d’un délit de presse. Et l’institution judiciaire doit être réformée afin de garantir une réelle indépendance des juges. Un mécanisme indépendant et transparent pour l’attribution des cartes de presse et des accréditations pour les journalistes marocains et étrangers, travaillant pour des médias nationaux ou étrangers doit être mis en place. Leur octroi ou retrait ne doit pas être laissé à l’arbitraire d’une décision politique. Tout retrait doit être le fruit d’une décision judiciaire exceptionnelle. Reporters sans frontières a ainsi demandé aux autorités marocaines de revenir sur leur décision de retirer l’accréditation du journaliste de l’Agence France-Presse, Omar Brouksy, le 4 octobre dernier. Demande restée jusqu’à présente lettre morte. Un mécanisme indépendant et transparent pour l’allocation des subventions publiques directes aux médias, ainsi que pour la publicité (publique et privée) doit également être déterminé, tout comme un mode de régulation (et ou d’auto-régulation) des médias (presse/audiovisuel) indépendant et transparent. Il nous apparaît important qu’un certain nombre de points liés à la situation de la liberté de l'information soit abordés avec vos interlocuteurs marocains lors de votre prochaine visite. Je vous remercie de l'attention que vous porterez à cette demande, et vous prie d'agréer, Monsieur le Premier ministre, l'expression de ma haute considération. Christophe Deloire
Secrétaire général
Premier ministre
Hôtel de Matignon
57, rue de Varenne
75700 Paris
Paris, le 10 décembre 2012
Objet : Situation de la liberté de l’information au Maroc
Monsieur le Premier ministre, A l’occasion de votre prochain déplacement au Maroc, Reporters sans frontières souhaite attirer votre attention sur la situation de la liberté de l'information dans ce pays. Lors d’une conférence à Rabat en novembre dernier, sur le thème « la liberté de la presse à l’épreuve de l’évaluation », Reporters sans frontières a salué les mesures annoncées par le ministre de la Communication, Monsieur El-Khalfi, en matière de réforme du système des médias. Toutefois, l’organisation a souligné qu’elle serait attentive à ce que ces promesses se traduisent enfin par des mesures concrètes. Si le retour des accréditations pour les journalistes d’Al-Jazeera constitue certes un pas significatif, cela ne doit en rien cacher l’importance du chantier des réformes à entreprendre. En effet, pendant des années, les journalistes marocains et les organisations de défense de la liberté de l’information, qu’elles soient nationales ou internationales, ont demandé des réformes juridiques, poussant, encourageant les autorités marocaines à dépénaliser les délits de presse. De nombreuses conférences, tables rondes, rencontres ont été organisées, des livres blancs ont été écrits… en vain. Aussi, le 16 novembre 2012, au cours d'un entretien, Reporters sans frontières a fait part à Mustapha El-Khalfi, ministre de la Communication, de ses recommandations en matière de liberté de l’information. Les modifications constitutionnelles en matière de liberté de la presse (articles 27 et 28) doivent être retranscrites dans l’ensemble des textes de lois marocains, ainsi que l’adoption, par le Maroc, d’un certain nombre de recommandations lors de l’Examen périodique universel devant le Conseil des droits de l’homme à Genève en juin dernier. Cela doit se traduire par une dépénalisation des délits de presse, que ce soit dans le code de la presse (article 41), et le code pénal (articles 179, 54, 65 et 66), sans pour autant que cela ne se traduise par une augmentation du montant des amendes. Les amendes prévues dans le futur code de la presse doivent être proportionnées. Reporters sans frontières demande également la suppression dans les textes et dans la pratique des « lignes rouges » que sont la monarchie, l’islam et l’intégrité territoriale, ainsi que les interdictions de publication pour « délit de blasphème ». La définition des délits doit être claire et précise, notamment pour ce qui est des « insultes » et des « graves insultes », qui sont des notions éminemment subjectives, laissant une place importante à l’arbitraire, de la part notamment des magistrats. Le principe de primauté de la loi spéciale sur la loi générale doit être réaffirmé afin de s’assurer qu’aucune disposition du code pénal ne soit appliquée quand il s’agit d’un délit de presse. Et l’institution judiciaire doit être réformée afin de garantir une réelle indépendance des juges. Un mécanisme indépendant et transparent pour l’attribution des cartes de presse et des accréditations pour les journalistes marocains et étrangers, travaillant pour des médias nationaux ou étrangers doit être mis en place. Leur octroi ou retrait ne doit pas être laissé à l’arbitraire d’une décision politique. Tout retrait doit être le fruit d’une décision judiciaire exceptionnelle. Reporters sans frontières a ainsi demandé aux autorités marocaines de revenir sur leur décision de retirer l’accréditation du journaliste de l’Agence France-Presse, Omar Brouksy, le 4 octobre dernier. Demande restée jusqu’à présente lettre morte. Un mécanisme indépendant et transparent pour l’allocation des subventions publiques directes aux médias, ainsi que pour la publicité (publique et privée) doit également être déterminé, tout comme un mode de régulation (et ou d’auto-régulation) des médias (presse/audiovisuel) indépendant et transparent. Il nous apparaît important qu’un certain nombre de points liés à la situation de la liberté de l'information soit abordés avec vos interlocuteurs marocains lors de votre prochaine visite. Je vous remercie de l'attention que vous porterez à cette demande, et vous prie d'agréer, Monsieur le Premier ministre, l'expression de ma haute considération. Christophe Deloire
Secrétaire général
Publié le
Updated on
20.01.2016