Journalistes disparus : le tragique record mexicain

A l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparition forcée, ce 30 août 2018, Reporters sans frontières (RSF) déplore que 21 journalistes soient toujours portés disparus au Mexique depuis 2003, un record sur le continent américain.

Pas moins de 21 journalistes mexicains sont actuellement portés disparus, certains depuis maintenant 15 ans. Etats de Michoacán, Veracruz, Nuevo León, Coahuila, Tamaulipas ou encore Guerrero…. Ce sont dans les Etats gangrénés par le crime organisé et la corruption, là même où l’on dénombre le plus d’assassinats de journalistes, que se concentre la plupart des disparitions.


La pratique des disparitions forcées, implique les Etats, directement ou tacitement. Ce sont les pouvoirs en place, ou des personnes ou des groupes qui agissent avec leur consentement, qui arrêtent, séquestrent et privent de liberté des voix dérangeantes. Ce délit multiforme, perpétré en toute discrétion et impunité par de plus en plus de régimes à travers le monde, est reconnu depuis 2002 comme un crime contre l'humanité.


Au Mexique, qui se situe à la 147e place sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse de RSF, la responsabilité des cartels de la drogue est régulièrement invoquée dans les cas de disparition. Souvent, les proches des victimes soupçonnent également une implication d’agents de l’État. Mais dans un cas comme dans l’autre, les plaintes des familles n’aboutissent pas et les enquêtes n’avancent plus, notamment celles menées au niveau fédéral par le Parquet spécial pour la surveillance des délits commis contre la liberté d’expression (FEADLE).


Conscient du problème, le gouvernement mexicain a créé le 16 février 2018 un Parquet spécial pour les investigations sur les délits de disparition forcée (Fiscalía Especializada en Investigación de los Delitos de Desaparición Forzada). Son objectif affiché est de “prévenir, enquêter, sanctionner et éradiquer les délits de disparition forcées de personnes et les disparitions forcées commises par des particuliers”, mais jusqu'ici cette mesure n’a été accompagnée d’aucun plan d’action stratégique concret pour les journalistes.

“Faire disparaître un journaliste est un crime qui ne peut rester impuni, rappelle Emmanuel Colombié, directeur du bureau Amérique latine de l’organisation. Face à l’ampleur du phénomène, les mesures symboliques ne suffisent plus. Le nouveau gouvernement mexicain doit redoubler d’efforts pour améliorer l’efficacité des enquêtes, et ce notamment au travers d’une véritable coordination entre la FEADLE et le nouveau Parquet spécial pour la lutte contre les disparitions forcées”.


RSF déplore par ailleurs l’absence d’informations publiques détaillées sur l’état d’avancement des enquêtes et d’un plan de réparation global pour les familles, tel que le prévoit la recommandation N°24 de la Commission nationale des droits de l’Homme du Mexique (CNDH), émise le 8 février 2016.

Dans son rapport publié en 2016, intitulé: “Veracruz: les journalistes face à l’état de peur”, RSF appelait déjà la FEADLE à mettre en place des protocoles d’attentions spécifiques pour ces cas de disparitions, et d’informer correctement et en toute transparence les familles des victimes. Or, la situation s’est empirée en 2018 et la FEADLE n’exerce encore que trop peu son pouvoir d’attraction, qui doit lui permettre de faire remonter les enquêtes du niveau local, où l’implication d’agents publics est fréquente, vers le niveau fédéral.

Liste des journalistes mexicains disparus depuis 2003:


1: Jesús Mejía Lechuga, Noticiario A Primera Hora (Grupo MS-Noticias) disparu le 10/07/2003 dans l'Etat du Veracruz

2: José Alfredo Jiménez Mota, El Imparcial, disparu le 02/04/2005 dans l'Etat de Sonora

3: Rafael Ortiz Martínez- journal El Zócalo, disparu le 08/07/2006 dans l'Etat de Coahuila

4: José Antonio García Apac, directeur du journal Ecos de la Cuenca, disparu le 20/11/2006 dans l'Etat du Michoacán

5: Rodolfo Rincón Taracena, Tabasco Hoy; disparu le 20/01/2007 dans l'Etat du Tabasco

6: Gerardo Paredes, TV Azteca Noreste, disparu le 10/05/2007 dans l'Etat du Nuevo León

7: Gamaliel López, TV Azteca Noreste, disparu le 10/05/2007 dans l'Etat du Nuevo León

8: Mauricio Estrada Zamora, La Opinión de Apatzingán, disparu le 12/02/2008 dans l'Etat du Michoacán

9: María Esther Aguilar Cansimbe, El Diario de Zamora, disparue le 11/11/2009 dans l'Etat du Michoacán

10: Miguel Ángel Domínguez Zamora, El Mañana de Reynosa, disparu le 01/03/2010 dans l'Etat du Tamaulipas
11: Ramón Ángeles Zalpa, Cambio de Michoacán, disparu le 06/04/2010 dans l'Etat du Michoacán

12: Evaristo Ortega Zarate, directeur de l'hebdomadaire Espacio, disparu le 20/04/2010 dans l'Etat du Veracruz

13: Marco Antonio López, Novedades, disparu le 07/06/2011 dans l'etat du Guerrero

14: Manuel Figueroa Fonseca Hernández, El Mañanero de Acayucan, disparu le 22/09/2011 dans l'Etat du Veracruz

15: Federico Manuel García, Punto Critico, disparu le 14/05/2012 dans l'Etat de San Luis Potosí

16: Zane Plemmons, journaliste indépendant, disparu le 21/06/2012 dans l'Etat du Tamaulipas

17: Miguel Morales Estrada, El Diario de Poza Rica, disparu le 19/07/2012 dans l'Etat du Veracruz

18: Adela Jazmín Alcaráz López, Canal 12- CNL Noticias, disparue le 26/10/2012 dans l'Etat de San Luis Potosí

19: Sergio Landa Rosado, Cardel, disparu le 22/01/2013 dans l'Etat du Veracruz

20: Mario Alberto Crespo Ayón, UNO TV, disparu le 07/12/2014 dans l'Etat du Sinaloa

21: Agustín Silva Vázquez, El Sol de Itsmo, disparu le 21/01/2018 dans l'Etat de Oaxaca





Publié le
Updated on 29.08.2018